Épisode 0.18 : Quitter pour survivre – Alice et Maude Gagnon, ex-résidentes en médecine et créatrices du balado Médecine à double tranchant
Mais je me rappelle du dernier patient que j'ai vu.
J'ai fermé mon ordi en fin de la journée, puis je me suis dit, pour vrai, je pense que
c'est officiellement le dernier patient que je vais voir de toute ma vie.
Je voyais tout mon futur défiler devant mes yeux.
J'avais vraiment deux branches, soit que je continuais en médecine.
Je voyais tout ce chemin-là comme un peu plus obscur, plus noir.
Puis après, je m'imaginais dans une autre branche où est-ce que je respectais plus mes
valeurs, que j'avais plus de temps pour moi, pour ma santé physique et mentale aussi.
Puis ça c'était comme un chemin illuminé dans ma tête.
Si tu suis cette voie-là, tu vas être correct.
Bonjour à toutes et à tous, j'espère que vous allez bien.
Je m'appelle Steven Palanchuck et aujourd'hui, je suis vraiment content de vous présenter
cet épisode parce qu'il est un peu spécial puis très intéressant.
Un, pour le thème, parce qu'on n'en parle pas souvent, c'est-à-dire quitter la médecine.
Puis deux, c'est que c'est une collaboration entre deux balados.
Aujourd'hui, je vous présente Alice et Maude Gagnon.
Elles sont sœurs jumelles puis elles ont commencé leur résidence en médecine familiale...
...pour finalement décider de prendre un autre chemin.
En février dernier, elles ont lancé leur propre balado qui s'appelle "Médecine à double
tranchant".
C'est un balado où elles racontent leur parcours et où elles ouvrent la discussion sur la
santé mentale durant la formation médicale.
On a donc décidé de faire un épisode ensemble entre "Soigner jusqu'à se briser" ×
"Médecine à double tranchant".
Vous allez d'abord entendre Alice et Maude vous présenter l'épisode, puis ensuite, on
plonge dans la conversation.
J'espère que vous allez apprécier et je vous souhaite une bonne écoute.
Bonjour tout le monde!
N'ajustez pas vos appareils, vous entendez bien la voix d'Alice et Maude Gagnon.
Nous sommes les deux créatrices du podcast "Médecine à double tranchant".
On a eu le privilège de s'entretenir récemment avec le Dr Steven Palanchuck
qui est le fondateur
de son balado, "Soigner jusqu'à se briser".
Ça a été un super bel épisode dans lequel on a pu aborder notamment le thème de la
réorientation de carrière après les études en médecine.
On a abordé aussi tous les questionnements qu'on a pu vivre durant cette période puis
l'aboutissement de la décision de quitter la médecine et l'aboutissement de Steven qui a
été de rester en médecine.
et de trouver un sens dans tout ça.
chacun on a fait nos cheminements respectifs, on a évolué différemment
dans ce parcours-là, mais le dénominateur commun de tout ça, ça a été le retour à
l'équilibre.
Puis si je vous laisse sur les mots de Steven
c'est juste important en fait de reprendre le contrôle de son histoire, puis c'est ce que
nous avons fait.
Donc sans vous en dire plus, on vous laisse à l'épisode.
Bonne écoute.
Première question pour vous.
Je voudrais savoir pourquoi vous avez accepté de participer à ce projet-là.
Veux-tu commencer ?
Ben premièrement, je pense que nous de base, on a à coeur de briser les tabous aussi au
niveau de la médecine parce que notre propre podcast qu'on a débuté Maude et moi, c'était
en février "Médecine à double tranchant", le but c'était de briser un peu les tabous qu'on
a en médecine, quand ça va moins bien, on n'en parle pas et tout ça.
Fait que quand on vu ton podcast,
on s'est dit, je pense que ça serait l'opportunité de participer aussi à un vecteur de
changement.
Puis de nous-mêmes pouvoir se dévoiler.
Il y a plein de gens qui l'ont fait, des infirmières, des médecins sur ta plateforme.
Je pense que même si nous, on n'est pas devenues patronne par toute notre histoire de vie,
on a quand même quelque chose d'intéressant à dire au point de vue études en médecine.
Je trouvais que ça prenait tout son sens de pouvoir partager notre histoire et de le dire
un peu à cœur ouvert parce qu'il y a beaucoup de tabou en général dans les histoires en
médecine.
Moi je dirais que c'est sûr que ça a été un processus.
Mettons la première fois qu'on s'est contactés, je ne suis pas sûre que j'aurais dit ok,
on fait un podcast ensemble parce que je pense qu'à ce moment-là, je n'étais peut-être pas
prête encore à parler publiquement de la réorientation et tout ça.
Il y avait beaucoup d'émotions associées à ça.
Je pense qu'elles sont encore présentes, mais elles commencent à s'apaiser.
Il y a un certain sens qui commence à se créer au travers de tout ça.
Moi, je me dis si ça peut inspirer d'autres personnes qui, à un moment donné, se sentent
dans une impasse en médecine, je pense que notre mission va être accomplie.
On pourra au moins dire que notre expérience a inspiré d'autres personnes éventuellement.
Parce que ce ne sont pas des modèles qu'on voit souvent, des réorientations de carrière,
alors que les études médicales sont terminées, que la résidence est débutée.
Comme vous dites, on dirait que c'est peut-être tabou.
Je ne sais pas, c'étaient quoi les sentiments qui vous habitaient, peut-être qui vous
bloquaient à en parler au début.
Ah mon Dieu, ben la honte, la honte là vraiment moi aussi.
C'est comme si, c'était comme le feeling de faire un marathon, un marathon de 42.2 km pis
t'en as fait 40 pis là tu vas dire OK je sors du marathon.
Fait que c'était vraiment la honte associée à ça, t'as tellement mis d'efforts pis t'as
décidé volontairement de te retirer
de ce processus-là, puis qu'est-ce que les autres vont penser.
Il y a quelque chose de très glorifiant en médecine de dire c'est tellement dur rentrer.
Il y a tellement de monde qui se font rejeter plusieurs fois au processus d'admission que
toi t'es rentré, tu as fais ton parcours quasiment jusqu'à la fin, puis tu décides de
quitter.
C'est ça que je me disais, mon Dieu, les gens vont...
Ma famille va avoir honte, les gens autour de moi vont avoir honte, mais je pense que
c'est une honte qui m'habitait que je projetais sur les autres.
Puis aussi, tout ce qui se passe dans les médias par rapport au manque de médecins de
famille, parce que nous on était en résidence en médecine familiale...
Il manque tellement de médecins, notre belle-mère est coiffeuse, puis ses clientes, à quel
point ils nous suivaient, puis ils disaient, "Hé, tu vas être notre médecin de famille
quand tu vas finir".
Il y avait vraiment l'aspect un peu de pression de dire il y a des patients à traiter dans
la société, puis on est la relève, puis là nous on quitte le bateau, puis on est quand
même deux médecins en moins pour la société.
Moi il y avait beaucoup de ça aussi, cette espèce de sensation que je ne peux pas servir
la société comme j'avais pensé.
Puis, pour reprendre l'image du marathon, ça arrive de voir des gens qui s'effondrent
juste à la fin en arrêts cardio-respiratoires.
Fait que j'imagine quand on sent que notre survie est menacée, c'est peut-être juste
normal que de vouloir se protéger.
Oui, vraiment.
De dire, est-ce que je veux passer la ligne d'arrivée dans un état physique et mental
complètement à terre, versus de dire, ok, je me retire avant, mais je gagne autre chose.
Ça revient à la question de est-ce que ça en vaut la chandelle, ça?
Est-ce que de terminer ton marathon,
avoir la médaille autour du cou, est-ce que ça aura valu tous les efforts que tu aurais
fait ou juste avoir la médaille autour du cou tu seras tellement pas bien avec toi-même
que tu vas dire, j'aime mieux affronter la souffrance de quitter.
Je pense que ça dépend de chaque personne.
Il y en a qui vont dire, pour moi avoir la médaille, ça va être tellement de réussite qui
va l'emporter sur tout le reste.
Comme nous,
il y avait plus de pertes que de gains à un moment donné, c'est un calcul énergétique.
Puis j'imagine que ce n'est pas une décision qu'on prend à la légère du jour au lendemain,
du moment où ça a commencé à vous trotter dans la tête puis que vous avez finalement pris
la décision.
C'était quoi votre réflexion?
Moi, ça a vraiment pris du temps.
Puis je me rends compte que c'est une graine qui a été semée puis qui a germé pendant
plusieurs années, je pense.
Mais dans le fond, moi, quand je suis rentrée au préclinique, je suis arrivée du cégep
puis j'ai fait mon préclinique directement.
Puis là, il n'y avait aucun doute que c'était ma place.
Je me rappelle, je suivais les cours puis je me disais, mon Dieu, je tripe sur la matière.
On était ensemble, on était à l'université, on avait notre gang d'amis.
Il y a quelque chose de très motivant dans l'affiliation, dans le contenu que tu apprends,
puis aussi dans l'équilibre que tu as.
On dirait que, aussi, dans l'école, on avait plus un équilibre de vie, parce que nous, on
faisait notre préclinique en trois ans.
Donc moi, j'avais aucun doute que c'était ma place, puis c'est vraiment rendue à
l'externat, que là, j'ai fait mon premier épuisement, puis que j'ai pris mon premier
arrêt.
Puis c'est là que j'ai commencé à me poser des questions, que je regardais d'autres
programmes
univertsitaires, je disais, je me verrais-tu ailleurs qu'en médecine?
Est-ce que je me verrais dans un milieu ou peut-être que l'équilibre de vie est mieux?
Je me rappelle que je regardais tous les programmes et je ne voyais rien qui m'intéressait
autre que la médecine.
J'avais encore trop cette passion-là pour comprendre la physiopatho, le médicus, la
relation aussi avec le patient.
Je n'avais pas d'intérêt pour d'autres choses que ça, mais déjà là, je pense que la
réflexion s'amorçait.
C'est vraiment à la résidence que je me disais en médecine familiale quand je vais être
rendue dans ma résidence, ça va être mieux parce que je n'aurai plus la pression
d'évaluation, qu'on a à l'externat, de rentrer dans ton GMF, dans ta spécialité.
Puis en arrivant à la résidence
je me rends compte que je vais pas mieux, tu as encore plus de pression, tu as des
patients à t'occuper, t'as tes gardes, et dans tes gardes t'as beaucoup plus de
responsabilité que quand t'es externe, ton horaire dans le fond, il est encore plus chargé
parce que tu reviens le soir, faut que tu gères tes labos et tout ça.
On dirait que l'image que je m'étais créée de la résidence, c'était pas vraiment ça.
Puis c'est là que le cynisme est embarqué, les premiers signes d'épuisement.
Je me rappelle, j'allais au GMF, Maude me disait, t'as donc bien l'air cynique ou éteinte.
J'étais juste fatiguée, j'avais pas beaucoup dormi.
Mais le cynisme est embarqué.
Je me rappelle, en te voyant, ça m'inquiétait, je me disais...
Oh my god, faut pas que tu me lâches parce qu'on se tenait beaucoup ensemble et on était
un peu...
on se motivait beaucoup et bref ça m'a vraiment...
Ben oui, on voulait comme...
On voulait affronter les derniers kilomètres ensemble mais on sentait que les deux on
commençait à traîner de la patte.
C'est vraiment...
on dirait que c'était comme...
je faisais mes journées pis je n'avais plus de fun, plus aucun fun, je voyais les
patients, j'avais pas de fun.
Je me sentais tout le temps comme pressée dans le temps, tu n'as pas beaucoup de temps
pour voir tes patients, tu clenches ou tu fais du débit, tout ça.
Puis l'insomnie est embarquée, l'anxiété faisait juste monter.
Fait que c'est vraiment les symptômes de dépression qui ont embarqué, la tristesse
constante, l'anhédonie.
Je ne me sentais plus moi-même.
Puis je me disais tout le temps, c'est juste parce que
mon stage est difficile, ça va passer, tout ça, mais plus ça allait, plus ça empirait.
Puis j'ai vraiment arrêté quand je n'étais plus capable de me lever le matin sans pleurer.
Dans le fond, je faisais juste pleurer, pleurer, pleurer constamment.
C'est là que je me suis dit, il faut vraiment que je prenne une pause.
Puis en plus de ça, j'avais la COVID, puis là, on me forçait à faire mes gardes parce que
si je ne faisais pas mes gardes, j'allais couler mon stage.
Ça résultait de la pression.
Fait que c'est là que j'ai arrêté puis je me suis dit j'ai juste besoin d'une semaine pour
me reposer, puis je ne suis jamais revenue.
Fait que c'est là que c'est vraiment, pour répondre à ta question, comment les réflexions
ont germé, c'est que c'est là que je me suis dit je vais prendre le temps, je vais prendre
un arrêt maladie pour réfléchir dans le fond parce que tu ne peux pas réfléchir quand tu
es trop dans le brouhaha mental.
Fait que je me suis dit vais prendre une pause puis je vais réfléchir justement à...
Est-ce que ça en vaut la chandelle de finir les 2,2 km qui me restaient?
Et au travers de ces trois mois-là de réflexion, j'en suis venue à l'évidence que non.
Parce que quand ça fait deux épuisements que tu fais dans l'espace d'un an et demi, tu te
dis, moi j'ai bien beau avoir travaillé des choses, j'ai bien beau avoir consulté, mais en
même temps, ton milieu de travail ne change pas.
Tu ne peux pas changer ton milieu de travail, tu ne peux pas changer la pression associée,
les conditions, le métier lui-même.
J'en suis venue à l'évidence que je ne pouvais plus prendre autant de responsabilités sur
mes épaules.
Je n'étais comme plus capable.
Maude, as-tu eu les mêmes réflexions en parallèle?
Moi, ça a été quand même différent dans le sens que je pense que quand j'ai commencé
l'externat, je faisais comme un gros processus un peu de développement personnel en
parallèle parce que je me disais, OK, clairement, il faut que tu affrontes tes peurs.
Je sens que je me mettais beaucoup la responsabilité de dire, c'est toi qu'il faut qui
change.
Je pense que ça, ça m'a fait durer pendant
pas mal tout l'externat.
En fait moi je n'ai pas eu d'épuisement à l'externat et puis même je m'en rappelle...
Tiens mettons un exemple, moi faire des gardes de nuit c'était quelque chose qui
m'angoissait profondément, je me disais je peux pas m'imaginer ne pas dormir pis aller
faire des consults, c'était vraiment quelque chose qui me...
On dirait que c'était comme contre moi, de ne pas dormir, fait que finalement je m'étais
dit ben il faut que t'affrontes tes peurs et j'avais pris quatre gardes de nuit.
Quand je suis sortie de mes quatre nuits, je me disais, tu peux être fière de toi.
Je pense que j'étais beaucoup en mode, prouve-toi à toi-même que tu es capable.
C'est ce qui m'a fait durer plus longtemps.
Je pensais moins à mes besoins.
J'étais plus en mode de dépassement.
Prouve-toi à toi-même que tu es capable.
Moi, c'est vraiment plus à la résidence.
Quand j'ai commencé la résidence en médecine familiale, c'est là que
je commençais à ressentir plus de l'insatisfaction parce que moi j'ai réalisé que ce qui
me drive au quotidien, c'est de parler aux gens.
Autant que la médecine c'est beaucoup de relations d'aide et tout ça, en médecine
familiale aussi, ça reste que tu ne vois pas le patient longtemps, t'arrives, tu poses tes
questions après l'autre et dès qu'il s'éloigne et qu'il parle de son quotidien, tu le
ramènes, tu le recadres...
Il faut que tu fasses un diagnostic et c'est normal, c'est ça la job dans le fond.
Moi je me disais
à chaque fois, j'essaie de prendre les plaintes plus psy, je me disais, ce sont les
plaintes de psy que je peux justement avoir accès plus à la profondeur du patient, prendre
un petit peu plus mon temps aussi.
C'est vraiment au quotidien que je sentais que c'est ça, je ne me réalisais pas tant.
Ça, ça a été long avant de me l'avouer à moi-même, mais je pense que l'aspect
responsabilité aussi, que je réalise qu'autant que je suis une personne qui me
responsabilise beaucoup dans la vie, puis...
Des fois, je m'en mets beaucoup sur les épaules.
Je pense que la médecine, c'était trop de responsabilités.
En fait, je n'étais pas prête à accepter et je n'étais pas prête à prendre tout ça sur mes
épaules.
J'avais beaucoup de honte au début parce que je me disais, si tu dis ça, ça veut dire que
tu n'es pas une personne qui peut en prendre beaucoup.
Tu n'es pas une personne fiable.
Tu n'es pas une personne endurante.
Il y avait beaucoup de jugements, mais après, je me suis dit, ça se peut au final que
justement, je ne...
Je ne veux juste pas avoir ce poids-là sur mes épaules.
Il y en a qui, au contraire, ils se valorisent dans ce poids-là et ils disent, Hey, moi,
ça donne un sens à ma vie, mais moi, au contraire, supporter tout ça, ça enlevait du sens
à ma vie.
Ça m'a vraiment pris du temps à me
l'avouer. Je suis comme tombée dans un arrêt au début de la
résidence. Dans la même optique de dépassement de moi, je me
Je vais travailler sur moi, c'est moi qui est trop exigeante envers moi-même, je vais
essayer d'être plus compatissante envers moi-même.
Tout ça fait que j'ai fait beaucoup de travail sur moi.
Puis je suis revenue quelques mois plus tard à la résidence, puis là j'étais en GMF.
Puis même chose, je rentrais au travail, puis il y avait vraiment une espèce de perte de
sens si je finissais mes journées, puis je me disais clairement, je ne sens pas que j'ai
aidé aujourd'hui, puis les médecins ça aide.
C'est tellement important la job d'un médecin, mais moi je sentais que je n'aidais pas
tant.
C'était comme, mais pourtant j'ai fait plein de diagnostics, j'ai donné plein de
traitements, les patients ils retournent chez eux, ils se sentent en confiance, moi je ne
sentais pas que j'aidais drôlement.
Fait que finalement, moi je suis retombée.
Mais en fait, je n'ai pas repris un autre arrêt.
Bien, je repris un arrêt pour réfléchir, Mais je me rappelle du dernier patient que j'ai
vu.
J'ai fermé mon ordi en fin de la journée, puis je me suis dit, pour vrai, je pense que
c'est officiellement le dernier patient que je vais voir de toute ma vie.
C'était vraiment cette phrase dans ma tête.
Je voyais tout mon futur défiler devant mes yeux.
J'avais vraiment deux branches, soit que je continuais en médecine.
Je voyais tout le quotidien.
Mettons quand j'aurais des enfants plus tard, les gardes et tout ça.
Je voyais tout ce chemin-là comme un peu plus obscur, plus noir.
Puis après, je m'imaginais dans une autre branche où est-ce que je respectais plus mes
valeurs, que j'avais plus de temps pour moi, pour ma famille, pour ma santé physique et
mentale aussi.
J'aime beaucoup faire du sport et tout ça.
Puis ça c'était comme un chemin illuminé dans ma tête.
Si tu suis cette voie-là, tu vas être correct.
J'ai quand même pris un arrêt pour vraiment réfléchir, puis prendre la bonne décision pour
moi.
Puis finalement, j'en suis venue à quitter.
Je l'ai prise quelques mois avant Alice.
Oui.
Moi je suis plus restée dans l'ambivalence pendant deux mois.
Mais moi c'est drôle, c'est vraiment quand j'allais voir ma médecin qui s'occupait de mon
arrêt maladie, chaque fois que je me pointais à la clinique, ça me faisait tout le
temps...
non.
Non, je ne me vois pas faire ce qu'elle fait en ce moment.
J'avais comme un...
J'étais confrontée à sa job.
C'est comme si je me voyais et j'étais comme...
"Eh, je suis pas capable de m'imaginer continuer dans ce type de vie." Là elle arrivait
pis elle disait, excuse je n'ai pas eu le temps de dîner, bon j't'écoute.
Elle ne me regardait pas, j'avais 5 minutes pour parler, mais je suis exactement de même
quand j'ai la broue dans le toupet.
Fait que ça, ça m'a aidé à me confronter.
Pis moi je pense que ce qui a fait que j'ai arrêté...
Ce qui m'a donné la permission d'arrêter c'est quand mon père m'a dit : "Alice, on va
t'aimer, peu importe le choix que tu prends." On dirait que moi ça a enlevé un poids
énorme sur mes épaules.
De me dire, mes parents vont être fiers de moi, peu importe le choix que je prends.
J'ai pas besoin d'être médecin, j'ai pas besoin d'être quoi que ce soit pour me faire
aimer, juste être moi ça va être assez.
L'important c'est que je sois heureuse, dans le fond.
C'est vraiment très très puissant ce que tu viens de dire là, de se respecter assez pour
se donner la permission de prendre soin de soi, puis de prendre des décisions pour nous.
Merci pour votre partage, la franchise, puis le courage, j'oserais dire, de parler de ça
parce que je trouve que les points communs dans vos deux histoires, c'est que vous étiez
entré en médecine avec
un paquet d'idéaux et de valeurs qui vous correspondaient.
Finalement, il y a eu une espèce de désillusion quand vous vous êtes rendues compte que le
travail au quotidien du médecin, le niveau de responsabilité, d'imputabilité, le rythme de
vie, ce n'étaient pas des choses que vous aviez imaginées.
De prendre une décision aussi lourde de sens et
de se donner la permission de faire autre chose, franchement bravo.
C'est gentil.
On ne fait pas ça pour avoir des félicitations, mais ça fait du bien d'entendre ça pour se
dire si ça peut inspirer d'autres personnes.
Moi, ça me briserait le coeur de voir des médecins quitter le système, mais je me disais
en même temps, ça me briserait le coeur d'avoir des médecins qui sont complètement
malheureux et il y en a même qui vont vers le suicide malheureusement à cause qu'ils ne
sont tellement pas bien.
Exact.
Vraiment, pis...
T'sais, j'en ai pas parlé, moi, mais moi, l'aspect anxiété financière, c'est vraiment
quelque chose qui pèse
aussi dans ma décision.
Puis je pense qu'on n'en parle pas beaucoup en médecine.
Souvent c'est quand tu es en résidence, tu remplis ta marge, tu sais que tu vas la
rembourser un jour.
Mais, si j'ai un conseil à donner aux gens, c'est de jamais prendre pour acquis que tu vas
finir médecin.
Je pense que, ça fait partie des possibilités que tu ne finisses pas.
Puis, je dis pas non plus d'avoir un mode de vie full dans la restriction et tout ça, mais
moi, personnellement, ça a été...
Ça a pésé quand même dans ma décision de dire ok j'ai des dettes sur ma marge, est-ce je
vais être capable de les rembourser?
J'en ai croisé des étudiants qui sont tellement loadés sur leur marge que c'est même pas
une option.
Je me dis, y a-t-il rien de pire dans la vie où t'es pas libre de faire un choix à cause
de tes dettes?
C'est atroce, je trouve, penser comme ça.
C'est une prison dorée.
Vraiment, une cage dorée.
Vraiment.
Tu parles des désillusions.
Est-ce que toi tu l'as déjà vécu?
Parce que tu as fait la même affaire que nous, préclinique et tout ça.
Quand t'arrives dans les stages, dans la résidence...
As-tu eu une forme de désillusion ou toi c'était exactement collé à la réalité que tu
t'imaginais?
En fait, moi, quand je suis entré en médecine, j'ai déjà eu une première désillusion dès
le premier cours, que j'ai failli couler, en fait, parce que je trouve que le step entre
le cégep et le début des études médicales, j'ai eu un gros moment d'adaptation, puis je me
suis dit, est-ce que je me suis embarqué dans quelque chose qui est
trop grand pour moi, que finalement, je ne pourrai pas passer au travers.
Puis un peu comme Maude, je m'étais mis dans un mode de me donner un défi à moi-même, puis
d'essayer de me dépasser.
Puis à ce moment-là, bien j'avais mis les bouchées doubles.
Puis je pense qu'inconsciemment, à ce moment-là, j'étais...
j'avais comme passé un contrat avec moi-même que j'allais mettre mes besoins de côté
pendant tant d'années.
...
J'allais faire les sacrifices qu'il faut pendant tant d'années, puis qu'après ça, j'allais
être heureux.
Un peu comme vous avez dit, au préclinique, je me concentrais dans les études plus
théoriques.
À l'externat, on dirait que là, on est tout le temps en train de vouloir s'adapter pour
plaire au patron avec qui on est, dans la spécialité dans laquelle on est.
Chaque spécialité
est différentes avec des gens qui ont des personnalités souvent très différentes.
Après ça, performer assez pour entrer dans le programme de résidence.
Mais moi, la désillusion aussi, ça a été de voir à quel point je n'avais pas l'occasion
d'être moi-même à plusieurs moments.
En fait, je pensais que je ne pouvais pas être moi-même.
Devenir médecin, c'était un peu apprendre à jouer un rôle.
Puis après ça, on devient un professionnel de la santé.
Puis on se pratique, on se pratique, on se pratique jusqu'à temps que ce rôle-là, on le
maîtrise, puis que ça arrête de sonner faux.
Puis on dirait que finalement, je m'éloignais de plus en plus de qui j'étais.
Puis ça pour moi, j'ai réalisé ça après, quand j'ai eu mon premier arrêt, moi, après mes
deux premières années de pratique.
J'ai fait toutes mes études médicales, toute ma résidence d'un coup.
J'ai eu des moments plus difficiles, mais on dirait que je m'étais un peu
déconnecté de moi-même et de mes peurs, puis de juste me dire, on baisse la tête puis on
fonce dans le tas.
Quand j'ai terminé puis que j'ai commencé ma pratique, j'étais encore dans cette
attitude-là, tu sais, qu'on baisse la tête, on rentre dans le tas, notre travail, c'est
difficile, puis il faut se dépasser tout le temps.
Puis là, à la troisième année de pratique, est arrivée la pandémie.
On était très impliqués pour la gestion des protocoles.
Moi, personnellement, je faisais partie de l'implication par rapport aux soins intensifs.
Ça a été beaucoup de dévouement.
L'autre désillusion que j'ai eue à ce moment-là, c'est venu de la part de la population et
des médias.
On en parle souvent du doctor bashing, de se trouver un épouvantail, puis de mettre tous
les maux du système de santé sur le dos des médecins.
Puis là, je me voyais faire tellement de sacrifices, travailler tellement d'heures, puis
après ça, d'entendre des choses, des fois tellement insensibles, avec un manque d'empathie
de la part de la population du genre,
vous faites tellement d'argent, pourquoi vous vous plaignez ou avec le statut social que
vous avez, bien, ça fait partie du contrat ou bien vous saviez dans quoi vous vous
embarquiez au début.
Donc, si vous n'êtes pas contents, bien, vous avez juste à changer de job.
Puis ça, de recevoir ça, je me dis, bien, c'était comme impossible.
Je vous mentirais en vous disant que j'y ai jamais pensé.
J'y ai pensé, moi aussi, à certains moments, d'abandonner.
Puis quand j'ai eu mon premier arrêt en lien avec cette désillusion-là, je me suis
recentré un peu plus sur moi-même.
Mais, Maude, j'entends que tu as fait beaucoup de travail sur toi-même et tout.
Je pense pas que j'en avais fait autant à ce moment-là.
J'avais commencé de la médication.
J'avais patché mon bobo, j'étais reparti.
Un peu comme Alice dit, on se dit, je vais prendre une semaine, puis tout va être parfait
par la suite.
Puis après ça, j'ai eu des pertes de collègues avec qui j'ai étudié, de maladies
fulminantes, des personnes qui sont mortes en jeune âge, entre autres,
de maladie qu'on ne contrôle pas, comme du cancer.
Puis l'autre désillusion à ce moment-là, c'est de me dire, j'ai pu faire tous ces
sacrifices-là, travailler toutes ces années-là, terminer, commencer, puis que ça me soit
enlevé du jour au lendemain.
Puis que du jour au lendemain, je puisse décéder.
Puis ça a été ça, ma vie.
Puis là, je me suis dit, bien, c'est-tu vraiment ça
que je veux que ça soit ma vie?
Puis je me posais beaucoup de questions.
Puis à ce moment-là, bien, je ne pense pas que j'avais le recul nécessaire pour voir que
le problème, c'était finalement la déconnexion de moi-même.
En fait, je m'étais plus mis dans un état d'esprit où est-ce qu'il fallait profiter de la
vie.
Mais à ce moment-là, pour moi, profiter de la vie, a été la consommation de substances
puis la fuite.
Puis ça, je l'ai compris par la suite.
Puis le séjour en thérapie, puis cet arrêt-là qui a été donc plus prolongé, c'est là
finalement où est-ce que j'ai regardé tout le parcours.
J'ai fait un bilan, puis je me suis dit, bon, t'es rentré avec des idéaux, t'es rentré
avec un objectif.
Puis je me suis dit, bien, qu'est-ce que j'aime encore d'être médecin?
La réponse, c'était un peu comme vous le disiez, c'était la connexion.
C'était les moments où je pouvais être moi-même avec un patient, avec une famille, à
pouvoir échanger, pouvoir pleurer.
Je me suis dit, bien, c'est ça le sens pour moi.
Ça m'a permis de revenir en arrêtant de jouer un rôle.
Puis ça, ça a été,
au début, très difficile parce que la carapace, elle est très épaisse, puis on pourra
reparler du curriculum caché.
Je pense que c'est un peu ça qu'on a tous constaté et auquel on a été confronté.
Mais je pense qu'après ça, faire le choix de rester soi-même puis de continuer à soigner
avec le coeur et l'humanité que ça prend, c'est là qu'on peut
redonner du sens puis sortir du cynisme.
En fait, moi, ça a été ça, mon histoire.
Je me demande, quand tu dis que de te reconnecter à la connexion humaine au quotidien,
est-ce que tu es capable, parce qu'être interniste c'est comme un job énorme, juste
niveau, est-ce que tu es capable de connecter au quotidien?
Parce que connecter, des fois, ça prend quand même un petit peu plus de temps, ça demande
de t'arrêter aussi.
Écouter les patients et t'es moins dans les go go go je fais mes choses ...
est-ce que tu sens que tu restes quand même la tête hors de l'eau et tu gardes quand même
ton efficacité de médecin ou tu sens que ça te nuie des fois?
Je commence ma huitième année pratique.
Je vous dirais les premières cinq années, j'avais beaucoup de difficultés à trouver cet
équilibre-là.
Puis maintenant, je trouve que j'ai compris un petit peu plus c'est quoi mon rôle, c'est
quoi la tâche, c'est quoi les attentes envers moi comme spécialiste quand
on me demande dans un dossier ou quand je prends en charge des patients.
De prendre le temps, de se donner la permission de prendre le temps, c'est sûr que ça
vient avec des choix.
Des fois, le choix, ça va être de dire, j'accepte d'être en retard dans ma clinique ou
j'accepte de finir plus tard cette journée-là parce que je me suis donné la permission de
prendre plus le temps.
J'essaie le plus possible, puis je ne pense pas avoir trouvé encore la réponse parfaite,
mais de trouver un équilibre entre les deux parce qu'à un moment donné, on n'a pas le
choix d'avancer, puis la journée, il faut qu'elle finisse à un moment donné.
J'essaie de le verbaliser même au patient de manière très transparente.
Des fois, je leur montre la liste, puis je leur dis de regarder.
J'ai toutes ces autres personnes-là voir.
On a eu un moment aujourd'hui ensemble.
Je vais revenir demain et on va poursuivre cette discussion-là.
La plupart du temps, les patients comprennent.
C'est sûr que des fois, il y en a qui sont plus dans la revendication ou qui ont tellement
attendu avant de te voir que les attentes sont tellement élevées que si tu ne corresponds
pas à leurs attentes, ça crée du mécontentement.
Des fois, la relation thérapeutique part sur des mauvaises bases, mais moi je vous dirais
que là maintenant, quand j'en ai l'occasion, je laisse tomber vraiment les masques.
Maintenant, je suis capable un peu plus aussi de faire mon questionnaire, mon examen
physique, ma réflexion
de manière très conversationnelle avec le patient.
Moi, j'ai plus l'impression d'échanger, de placoter, d'apprendre à connaître l'autre
personne.
À travers ça, de faire mon rôle de médecin.
Mais ça, comme résident, je n'étais pas capable de faire ça.
Comme jeune patron, je n'étais pas capable de faire ça.
J'étais très...
J'ai toujours été une personne
relativement rigide, je pense qu'il faut que je l'avoue, que pour calmer mon anxiété, il
fallait que j'aie une structure, puis que je suive tout le temps cette structure-là, puis
que dès que ça sortait de ce cadre-là, ça me causait beaucoup d'anxiété.
Là maintenant, je...
j'accepte une relative perte de
Puis de juste me dire, la journée, ça va être ça aujourd'hui.
Tu sais, à quoi bon me flageller puis de me dire, mon Dieu, c'est tellement difficile.
Puis des fois même, il y a des journées à l'hôpital, puis vous l'avez vécu parce que vous
avez eu des stages, puis vous avez travaillé, vous avez eu des gardes.
Des fois, on va se le dire, c'est infernal, là.
Puis les consultations, les patients.
comme on dit, arrivent en autobus, puis ça rentre, puis il y a des consultations.
Mais maintenant, ce que je fais, c'est que j'essaie de prendre ça un peu plus à la blague,
puis d'avoir un peu des clins d'œil complices avec le reste du personnel ou les autres
médecins, puis de dire, « Hey, on a perdu le contrôle aujourd'hui, hein?
» Des fois, je me souviens, je m'étais retourné, puis...
J'avais dit à une collègue néphrologue, on ferme-tu l'hôpital?
Je pense que là, on en a assez.
Là, on ferme puis on rouvre demain 8 heures.
De juste essayer de dédramatiser.
C'est sûr qu'on n'a pas tout le temps le luxe de faire ça parce que des fois, on a des
patients à voir puis c'est lourd, émotionnellement.
Mais dès que j'en ai l'occasion, j'essaie d'utiliser l'humour un petit peu plus pour
arrêter
de me prendre au sérieux aussi parce que je pense que ça c'est un autre enjeu que j'avais,
c'est que je me prenais très au sérieux.
Je pense qu'il y a un peu de narcissisme là-dedans, pis t'sais, de se dire que j'étais
capable d'entrer en médecine, de faire mes études, pis là, à moment donné, il faut
que je montre une certaine façade.
Mais ce que tu dis, Alice, ça me touche beaucoup quand tu me dis ton père t'as dis, moi,
je vais toujours t'aimer quand même.
Ça doit tellement être libérateur d'entendre ça parce qu'on a tellement peur de décevoir
les gens qui, au final, je suis convaincu qu'ils veulent juste qu'on réussisse à se
réaliser dans notre plein potentiel puis à être heureux.
Mm-hmm.
Mm-hmm.
Ça s'en fout un peu de ce qu'on fait.
Ils vont juste se dire, est-ce qu'on est heureux?
Oui, bien, c'est tout ce qui compte.
Vraiment, puis quand on rentre en médecine à un moment donné, ça devient tellement
identitaire que c'est comme si tu t'en vas dans des parties de famille, puis c'est comme,
qu'est-ce que tu fais?
Je suis médecin, tout ça, médecin résidente, puis c'est comme si c'est tellement collé à
notre identité, puis à notre fierté, puis tout ça, quand tu te rends compte que les gens
t'aiment pour autre chose que ça, tu dis, ok, je dois pas juste être médecin, je dois
avoir d'autres choses, je dois...
Je dois avoir plein d'autres qualités, d'autres passions, plein...
Mais c'est ça.
Je pense que...
Un point, ça me rappelle quand t'as dit que t'étais retournée à l'école secondaire, puis
t'avais recroisé tous nos profs, parce qu'on s'en parlait beaucoup, on s'entendait bien
avec nos profs du secondaire.
Puis je m'en rappelle, t'étais revenue et tu m'avais dit, tu sais, elle avait les larmes
aux yeux, puis elle me disait, je leur ai tous dit que finalement j'avais quitté la
médecine.
Il n'y en pas un qui avait une once de jugements, ils étaient tous en mode...
Dans le fond, ils te reflétaient tes qualités en tant que personne, et non pas en termes
de compétences, en termes de overachievers, puis à quel point tu étais bonne à l'école,
c'était vraiment tes qualités humaines qui ressortaient.
Moi, je me suis dit, c'est incroyable, c'est...
Dans le fond, c'est peut-être nous autres aussi qui se mettons la pression, justement, de
garder cette espèce de façade-là, puis ce masque-là de rigidité, juste pour avoir l'air
hot.
Mais dans le fond, c'est peut-être juste un peu de narcissisme comme tu dis.
Comment vous avez reconstruit cette identité-là, autrement?
Ben moi je trouve juste mon passage à mon école secondaire, j'ai fait un témoignage,
c'était la conseillère d'orientation qui m'avait invitée, puis elle m'avait beaucoup aidée
dans mon processus de réorientation, elle m'avait dit viens partager avec les étudiants
ton parcours.
Bref, quand je suis retournée à mon école secondaire, pis que je repensais à la Alice de
15-16 ans, je visitais mon gymnase, toute mon implication au basket, des discussions avec
des profs et tout.
On dirait que je me suis dit crime.
dans la période où l'adolescence où ton identité se forge, justement, je me disais, la
médecine, j'y pensais pas à ce moment-là.
Elle ne faisait même pas partie de ma vie.
J'étais une personne à part entière avec tous ses intérêts, sa personnalité, tout ça.
Moi, ça a vraiment été réparateur d'aller reconnecter avec ça au secondaire dans mon
école.
Mais je te dirais, quand j'ai quitté, ça a été vraiment un néant de dire, OK, bien, je
je fais quoi, je suis qui?
C'est sûr que moi j'avais commencé un processus de psychothérapie depuis deux ans.
Fait que juste le fait de travailler plein d'enjeux au niveau de l'estime, de l'identité
avec ma psy, ça m'avait beaucoup aidé.
J'avais quand une longueur d'avance parce que si j'avais pas eu ce suivi-là, je pense que
mon mur aurait été beaucoup plus épais.
Fait que j'avais quand même déjà une idée de c'étaient quoi mes passions et tout ça.
Mais ça a quand même été un petit choc
de faire face à moi-même sans le sarau.
Je me disais que maintenant que je n'ai plus mon sarau, c'est quoi qu'il y a en-dessous?
Qu'est-ce que je vais faire de ma carrière?
Comment j'occupe mon temps?
Tu te ramasses à des horaires de 75 heures par semaine, et là tu fais du 37.5.
Il y a quand même un 37.5 heures que tu as plus dans ta vie.
Ça a été confrontant au début, mais rapidement, le fait de pouvoir recommencer mes sports,
de pouvoir commencer à lire, de ne plus avoir la pression constante d'étudier, de
connaître mes choses, de tout le temps être dans le "faire", progressivement à atterrir
dans le "être", ça m'a fait un des plus grands bien, même si au début ça a été difficile.
Ouais mais moi je pense que ça serait mentir de dire que j'ai retrouvé mon identité
clairement, ça fait six mois je pense qu'on a quitté.
Je pense qu'il y a aussi l'aspect suite qu'on est jumelles avec la question identitaire,
le temps ça rajoute une coche de plus.
Mais moi je dirais que je suis comme plus en démarche justement pour essayer de
reconnecter à mes valeurs profondes et à mes intérêts aussi.
Puis je pense que ça, ça passe par justement se trouver d'autres projets, d'autres rêves,
d'autres buts.
Puis dans toutes les autres sphères de ma vie aussi, parce que oui, le travail prend une
place importante.
Mais là, en ce moment, je suis intervenante psychosociale dans un organisme communautaire.
Puis je réalise justement que je ne veux pas que le travail prenne toute la place.
Je veux que mon identité se forge dans d'autres sphères.
Le travail, c'est important, mais je veux quand même développer
mon identité dans mes autres sphères de vie.
C'est encore en construction.
Je pense qu'à la limite, ça prend quasiment toute une vie, je pense, se connaître
réellement.
Mais là, maintenant, j'ai le temps.
Je n'ai pas encore l'argent, mais au moins, j'ai temps pour me permettre de me découvrir
et d'explorer des nouvelles passions, des choses que j'aime.
C'est sûr que j'aurai toujours une fascination profonde pour la psychologie et le
développement personnel.
C'est quelque chose qui est ancré et je vais orienter ma future carrière là-dedans.
Fait que moi je dirais c'est ça.
En construction.
C'est une bonne question en fait que vous soulevez, c'est qu'est-ce qu'on peut faire avec
un diplôme M.D.
et une partie de résidence?
Ça a été mon plus grand vertige en quittant en disant que j'ai un diplôme.
Quand tu finis l'externat, t'as ton doctorat.
C'est comme l'équivalent d'avoir un bac en droit sans barrau.
Tu ne peux pas pratiquer.
C'est drôle parce que quand j'ai fini, j'ai envoyé mon C.V.
à plein d'endroits.
Je me rappelle, j'ai même appliqué comme préposé aux bénéficiaires.
Le monde m'écrivait, vous êtes surqualifiée pour le poste.
Je pense que j'avais envoyé ça comme serveuse dans les restaurants et puis le monde
regardait mon C.V.
et il y avait toujours un point d'interrogation dans leur face.
À la limite je pense que ça t'a nui aussi parfois.
Ça m'a nui pour certains emplois.
Mais finalement j'avais envoyé mon C.V.
au centre de CASA.
Je me rappelle, mon boss actuel m'avait appelé et il m'avait dit que c'était la première
fois que je reçois un C.V.
comme ça.
Mais je trouve ça vraiment intéressant.
On veut te convoquer en entrevue.
Jusqu'à ce jour, je ne sais pas encore complètement ce qu'on peut faire avec un doctorat
en médecine sans résidence complétée.
Mais certainement, dans tout ce qui est relation d'aide ou communautaire, Maude et moi, on
a trouvé quelque chose là-dedans parce qu'on a un parcours solide en
relation d'aide tout simplement.
Je sais qu'il y a beaucoup de possibilités en pharmaceutique.
J'ai vu qu'il y avait des compagnies pharmaceutiques qui exigeaient dans le fond le
doctorat sans certainement avoir complété la résidence.
Je pense que tu peux travailler en santé publique au gouvernement.
Mais moi, j'avais considéré ces emplois-là, c'est juste que je trouve qu'il n'y avait pas
assez de relations one-on-one, de contact humain.
C'est ça, en intervention, où je trouve que c'est le bread and butter au quotidien, c'est
ce qui me comble personnellement.
Mais c'est pas la fin du monde, puis tu peux toujours aussi aller chercher un autre petit
diplôme, tu sais, Alice et moi, on est inscrites actuellement à la maîtrise en
orientation.
On va démarrer aussi en parallèle dans le cours en entreprenariat pour partir un projet
dont on ne peut pas parler beaucoup en ce moment, mais c'est en construction, un projet en
relation d'aide.
Il y a plein de possibilités.
Il faut juste que tu enlèves tes œillères, tu cherches en fonction de tes valeurs, surtout
tes valeurs profondes et non pas juste tes compétences.
Ben, justement, les œillères, je trouve que c'est une belle image parce que quand on entre
en médecine, on se fait mettre des œillères, puis la ligne d'arrivée, elle est en ligne
droite, tout droit devant, il y a comme des étapes, des jalons...
l'externat, la résidence, les examens, trouver un travail, puis on dirait que toutes les
autres possibilités, quand on y pense ou quand
on se confronte soi-même à peut-être les considérer, ben c'est très tabou.
Puis je trouve qu'on n'a pas beaucoup de modèles de rôle non plus.
Puis c'est ce que je trouve super intéressant de votre histoire, c'est que vous êtes la
preuve que ça peut fonctionner.
Puis il y en a eu d'autres avant vous, il va en avoir d'autres après vous.
Mais je pense que de parler publiquement, bien, ça vient un peu illustrer que c'est
possible, qu'on peut se réinventer, qu'on peut trouver un sens à sa vie quand même.
Je trouve ça vraiment intéressant.
Là, il y a souvent un inconfort.
Tu te dis, mon deuil n'est pas fait, je ne peux pas m'inscrire à un autre programme.
Fait que il y a cet aspect-là, je trouve, qui est intéressant, mais que finalement, tu
fais confiance au processus, puis finalement, tu peux retomber en amour à nouveau avec une
nouvelle personne, mais ça prend du
temps.
Vraiment. Le processus de deuil, s'étire sur
Moi je me rappelle quand j'ai quitté médecine, c'est comme si j'étais peut-être en
isolation de l'affect ou dans un gros déni, je ne sentais pas d'émotions.
Puis il y a un soir là où je l'ai pleuré, comme une peine d'amour là.
Tu sais, dire ok, là je réalise, là je voyais toutes mes années d'avant.
Puis là je me disais ok, tout ça, moi dans ma tête je me disais comme à quoi ça a servi,
j'étais beaucoup là-dedans à ce moment là.
Mais ça m'est arrivé la semaine passée, je l'ai pleuré encore là.
C'est comme un processus de deuil qui est en train de se consolider progressivement.
Pendant le processus de deuil, à un moment donné, la saison du printemps et l'été qu'on
dit que c'est là que tu commences à avoir de nouveaux projets, à commencer à dater et à
t'imaginer une vie qui est autre que celle que tu as connue.
C'est un long processus, je pense qu'il ne faut pas le minimiser et le banaliser.
Ça prend du temps quand même.
Qu'est-ce que vous diriez s'il y a des gens qui nous écoutent qui sont en précontemplation
par rapport à ça?
Moi, le meilleur conseil que je peux donner, c'est autorise-toi de prendre une pause.
Parce que clairement, tu ne peux pas réfléchir si tu es à fond dans les études.
Je reviens juste rapidement sur quelque chose que tu dis, Steven.
Tu disais qu'en tant que résident, il y avait une espèce de rigidité et que je n'étais pas
moi-même.
Je pense que ça, c'est causé, oui, par la culture médicale, par les traits de personnalité
internes, mais aussi...
L'aspect que la médecine c'est tellement une charge mentale qui est énorme en terme
d'apprentissage, qu'à un moment donné, t'as pas le choix de te mettre dans un mode où
est-ce que tu coupes tes besoins puis tu te dis, là je me mets en mode guerrier fonceur,
puis tu fais juste étudier, étudier, étudier, puis tout le reste prend le bord.
Donc moi je pense que si t'es en pré-contemplation, une pause ça ne fera jamais de mal.
Puis au pire tu prends une pause puis tu reviens puis tu continues ton chemin mais te
donner le droit
d'avoir un moment d'arrêt, juste de dire ok, là je prends une respiration et puis je me
permets d'être honnête envers moi-même justement et puis de reconnecter à tes besoins
profonds.
Puis juste ça c'est tabou prendre une pause en Mais oui je suis d'accord avec toi prendre
une pause puis une fois que t'es dans ta pause c'est de te poser les bonnes questions.
Et te poser des bonnes questions, ça passe pas par aller te valider auprès de plein de
personnes, mais vraiment de...
Moi, je suis partie dans une retraite silencieuse pendant trois jours dans le bois, seule,
avec ma petite cabane et mon feu de foyer.
Puis là, c'est vraiment là que je me suis dis OK, là, tu es en dialogue avec toi-même.
Puis tu n'as pas le regard de personne d'autre que le tien.
Puis c'est là où tu poses les questions de...
Est-ce que j'ai du fun dans mon quotidien, en fait?
Est-ce que je me lève le matin et que réellement j'ai du fun, ça me tente de faire ma
journée.
Si la réponse est non, ben déjà là il y a un problème.
Déjà là, c'est pas normal qu'on vive 100 ans ou moins, pis qu'on fasse, je sais pas moi,
50 ans de job où t'as pas de fun en te levant le matin.
C'est juste là je pense que c'est de sonner une cloche en fait.
Et après de dire foncièrement, se poser la question honnêtement, quelle vie je veux?
C'est quelles composantes dans ma vie je dois avoir pour que ça ait du sens et que ces 80
à 100 années là, auront valu la peine pour le petit temps qu'on passe sur terre, en fait.
Faut vraiment de se poser ces questions quasiment existentielles, en fait, mais je pense
que c'est nécessaire parce qu'il faut trouver un sens dans notre quotidien, sinon on est
un pilote automatique et on fait juste avancer
sans contrôle de nous-mêmes, tu sais.
Je pense que côtoyer la mort, ça peut amener des réponses.
Moi, je l'ai fait avant l'externat, en fait, parce que j'avais foncièrement peur de la
mort.
Je me disais clairement, il faut que je vois, il faut que je m'expose à ça, parce que je
vais voir des patients mourir.
Je suis allée à Michel-Sarrazin faire du bénévolat.
Puis je pense clairement, ça a été aussi un facteur dans mes réflexions, parce que quand
tu vois des personnes
sur leur lit de mort, littéralement, puis tu leur demandes c'est quoi leur regret, c'est
quoi leur plus grande fierté dans leur vie.
C'était très rare que les gens me parlaient de leur job.
Ils parlaient juste très souvent de leurs proches, de leurs rêves qu'ils avaient réalisés.
Moi je trouve que c'est des fois d'aller parler à des gens qui sont en fin de vie, ça met
la caméra envers toi-même, puis tu te dis moi, quand je vais être sur mon lit de mort,
c'est quelle vie que j'aurai vécu
et c'est quelle vie que je pourrais dire, je suis fière d'avoir vécu cette vie-là.
Moi, je pense que ça m'a beaucoup aidé aussi dans mes réflexions.
Ça me touche vraiment beaucoup.
Là, je m'en retiens un peu parce que je me suis passé la même réflexion quand j'ai vu des
patients décéder.
J'ai eu des moments plus difficiles où j'ai eu des pensées suicidaires.
Je me suis même surpris à un moment donné à être jaloux
de ces patients-là que j'avais aux soins intensifs qui étaient en fin de vie.
Je pose toujours une question aux patients vers la fin.
Je leur demande, avez-vous peur?
Puis je dirais 98 % du temps la réponse c'est non.
Et les gens accueillent ça avec sérénité.
Moi, j'étais presque jaloux de cette paix intérieure-là.
Quand on est dans une passe difficile de notre vie, ça peut être très confrontant de voir
que ça peut être paisible.
Mais c'est très confrontant aussi de se dire,
il y a plein d'autres options.
Quand je vais être rendu là, parce que oui, on va tous mourir, qu'est-ce que je voudrais
dire sur mon lit de mort?
Est-ce que je serais fier de la vie que j'ai menée?
C'est comme un peu ça qui m'a rattaché à la vie, de me dire que mon travail n'est pas
fini.
J'ai encore des choses à accomplir.
Rappelle ces amis-là que t'as délaissés.
Reprends contact avec les gens autour de toi parce que je m'étais beaucoup isolé.
Se donner la permission de voir qu'il y aurait quelque chose après.
Qu'il y a d'autres options.
C'est vrai que
d'être confronté à la mort, je pense que c'est finalement l'angoisse ultime, qu'on a tout
le monde à l'intérieur de nous.
Je pense qu'après ça, les autres angoisses partent de là.
Mais ça peut aussi donner beaucoup de pouvoir.
Vraiment.
Parce que quand t'es confronté à ça, tu t'es pas dit quelle formation je pourrais faire
pour être un meilleur médecin.
C'était comme...
tu te questionnes sur réellement c'est quoi qui est essentiel pour toi.
Et quand tu dis que la plupart sont paisibles et n'ont pas peur, toi à ce moment-là, quand
t'avais tes idées suicidaires, est-ce que t'avais peur?
C'était quoi le rapport que tu avais par rapport à ça?
en fait, c'est une bonne question parce que oui, je n'étais pas paisible du tout.
Je pense qu'il faut prendre le temps de le souligner, là, pour les gens qui nous écoutent.
Le suicide ne doit jamais être une option.
Puis si ce dont on parle cause de la détresse, je pense qu'il y a des ressources
disponibles
qu'on va mettre à la fin du balado.
Mais non, je n'étais pas en paix avec ça.
Puis je pense pas qu'il faut jamais l'être non plus.
Mais je pense que de confronter un peu nos peurs
et de se donner la permission d'avoir fait des erreurs, mais d'apprendre.
Je pense que c'est aussi ça qui peut nous redonner l'espoir et l'énergie de continuer et
de voir qu'il y a d'autres options.
Oui, puis l'idée d'assumer que t'as fait des erreurs, d'apprendre, c'est dur quand t'es en
médecine.
De t'avouer vaincu et mettre un genou à terre, c'est une des choses les plus dures parce
que t'as probablement jamais eu à faire ça dans ta vie de performance.
Moi je pense que c'est pour ça qu'il y en a justement qui arrivent à ce mur-là de dire
soit je reste en médecine ou c'est le suicide.
Ça devient quasiment un faux dilemme.
Il n'y pas une option meilleure qu'une autre.
Je ne peux même pas m'imaginer prendre une pause.
On a parlé à des gens des fois après notre podcast.
L'idée de prendre une pause, ce n'est même pas pensable.
Il y en a tellement des options.
les retours que vous avez eus des gens autour de vous?
Après notre Il Y a du monde qui ont dit que c'était un échec.
Mais pas beaucoup.
C'est une faible proportion mais il fallait s'y en attendre dans le sens où je pense qu'il
y a du jugement, peu importe où tu vas dans la vie.
Il y a eu une vision d'échec, mais pour la plus grande partie, ça a été justement...
Moi ce qu'on me disait justement c'était, tu sais Alice, il y a du monde qui se suicide.
Dans notre parcours, il y en a eu aussi.
Puis le monde disait, tu es bien mieux de bouger avant de te rendre à ce niveau-là de
détresse.
Moi, c'était surtout ça que j'avais comme commentaire.
Beaucoup de courage aussi, c'est-à-dire, Ça prend beaucoup d'humilité, de Justement oser
quitter un marathon comme ça, puis ça prend beaucoup de courage pour faire face à
toutes les pertes associées à cette décision-là.
Moi je pense que clairement la décision, il ne faut pas que tu la prennes justement pour
ce que les autres te disent autour de toi.
mais moi je pense que c'est quelque chose qui m'aide encore au quotidien aussi à affronter
toutes les pertes que je vis encore par rapport à ce choix-là, de me rattacher au courage
justement, puis de me dire...
Le courage, la définition, c'est d'affronter tes peurs.
C'est pas justement de ne pas avoir peur, c'est de dire, t'en as des peurs, mais tu vois
qu'il y a quelque chose qui est tellement plus grand en avant de toi, puis qui vaut la
peine d'affronter tes peurs, que tu vas accepter d'affronter tes peurs justement.
Fait que, moi je pense que c'est majoritairement le message que je retiens autour des
personnes.
Il y a beaucoup aussi souvent d'incompréhension au début, on ne comprend pas.
Mais quand on explique les raisons, moi je trouve que c'est le mot qui sort souvent.
Ouais c'est vrai.
Non c'est vrai, non.
Ça prend beaucoup de courage, ça prend beaucoup d'humilité pour faire ça.
Moi ma conseillère en orientation qui me suivait, elle m'avait dit, Alice juste à cause de
ce choix-là, tu ne peux pas réaliser l'impact que ça va avoir sur ton estime personnelle.
Quand elle m'avait dit ça, je me disais en quoi ça aurait un lien sur mon estime?
Mais après, là, je comprends tout le sens de ce qu'elle veut dire.
C'est que maintenant que tu vis une vie en cohérence avec tes valeurs, que je rentre au
travail, que j'ai le temps d'écouter mes clients, que je prends une heure avec eux, que
j'ai le sentiment d'avoir été au fond des choses, ça fait que je finis mes journées.
Je sens pas que je suis en méga dépassement comme j'étais en médecine ou en
accomplissement ou en overachieving, mais je sens que ce que j'ai fait, c'était assez.
Ça reconnecte avec mes valeurs.
On voit mon estime, je pense que c'est là où j'ai vu le plus grand progrès.
J'ai une vie qui est plus en cohérence avec mes valeurs.
J'ai vraiment le sentiment d'aider.
Je pense que c'est non négligeable l'impact que ça a sur l'estime personnelle.
Réellement malgré la honte, la honte ne rime pas avec l'estime, mais même si j'ai eu de la
honte, mon estime a juste augmenté avec le temps.
Moi je trouve que ça m'amène aussi une certaine flexibilité parce que je suis quelqu'un
qui est beaucoup dans le contrôle.
Je me reconnaissais dans ce que tu disais Steven.
Alice, à un moment donné, tu m'avais dit une phrase, je me rappelle encore, mais tu avais
dit, parce que je suis stressée justement par rapport à mon futur, je me disais "Oh Oh my
god, je m'en vais où?" et tout ça.
Puis tu m'avais dit
"Mousse, il y a genre cinq ans (elle m'appelle Mousse), mais Maude, il y a cinq ans de
ça...
Est-ce que tu te serais imaginé faire médecine et quitter?" Je lui ai dit mais pas du
tout, mais elle dit : "Comment tu peux prévoir tes cinq prochaines années?" Je me suis
dit, bien, c'est tellement vrai.
Dans le fond, c'est plus de se ramener au quotidien et au prochain mois.
C'est important d'avoir des buts à long terme, mais de ne pas non plus être en fixation et
avoir une rigidité extrême par rapport à ces buts-là, et de laisser un peu la vie
se passer et profiter de la vie aussi dans tout ça.
Non, non, c'est vraiment pas facile.
Surtout pas quand t'es en médecine pis que...
T'sais, t'as une personnalité performante, t'as tout le temps quelque chose à atteindre.
C'est comme si "The sky is the limit" puis t'en as jamais assez de ce que tu pourrais
accomplir.
Vraiment.
T'sais, quand t'es tout le temps là-dedans, ben...
C'est sûr que c'est fun, parce que c'est fun se dépasser.
Mais quand tu dépasses au détriment de ta santé mentale, ben...
Ça me fait penser, j'ai eu la conversation avec Dre Sonia Lupien, qui est experte en
stress et en neurosciences.
J'ai reçu beaucoup de commentaires à la suite de la diffusion de cet épisode-là, en lien
avec un certain passage qu'elle dit, c'est qu'il y a des gens peut-être qui n'ont pas la
résistance au stress
pour faire les métiers qu'ils font, mais qu'ils n'osent pas se l'avouer, puis qu'ils
persistent dans cette voie-là.
Puis les commentaires que j'ai reçus ont dit, c'est que Dre Lupien remet le poids du
système de santé, puis de tout ce qui est dysfonctionnel sur les épaules des individus,
puis on leur dit, bien, c'est de ta faute, si tu n'es pas capable de t'adapter.
Mais je pense que la réponse est beaucoup plus nuancée.
Ce que vous dites, ce que vous avez fait, vous en êtes la preuve tant qu'à moi, c'est
de...
Il y avait quelque chose qui vous disait, ça ne correspond pas à mes valeurs.
Appelons ça la résistance au stress, mais ça peut être quelque chose de plus large pour
être en cohérence avec ce que vous êtes.
Mais bref, votre cerveau vous parlait, mais vous aviez appris
à le taire, puis à vous dire, ben non, on a choisi ça, on va continuer.
Puis là, la détresse augmente, puis notre corps essaie de nous parler, puis là, il y a des
symptômes physiques qui arrivent.
Puis je trouve que, d'oser se l'avouer à soi-même en premier, de dire, ben je suis pas
heureux, je ne suis pas heureuse, je veux faire autre chose, puis de se donner la
permission de le faire,
...
je pense que c'est un peu ça ce que tu disais.
Vraiment, puis ben moi je suis totalement d'accord avec toi que c'est nuancé dans le sens
qu'encore là on a tous nos facteurs internes à nous, mais il y a aussi les facteurs
externes.
Moi, avant j'étais gênée de le dire, là je ne suis plus gênée de te dire de dire, ben moi
j'aimais pas ça avoir la vie des patients entre les mains.
Clairement, je ne veux pas avoir ce rôle-là dans ma vie pis je ne veux pas sentir que si
je fais une erreur de médicament, une erreur de dose, que ça pourrait coûter la santé ou
la vie de quelqu'un.
Je sens qu'il y a vraiment une honte justement de ça, dire "Ben non, tu ne peux pas dire
ça au contraire, tu est hot, tu es supposée sauver les gens, tu es supposée vouloir ça."
Mais maintenant, je suis capable de dire "Non, je ne veux pas ça." Finalement, moi, je
veux être capable de, si je fais une erreur, de pouvoir revenir en arrière, en
intervention.
Si je dis quelque chose que finalement, ce n'était peut-être pas la bonne intervention, je
peux toujours reparler au client et dire "L'autre l'autre jour quand je disais ça, ce
n'était pas ça finalement." Quand tu es en médecine,
on ne peut pas faire une erreur ou l'erreur coûte très cher.
Je pense qu'il y a autant justement les facteurs internes de t'avouer à toi-même, puis
après les facteurs externes de dire oui c'est vrai qu'on ne peut pas mettre la faute sur
les médecins et leur gestion du stress.
Je pense qu'il y a vraiment des facteurs systémiques aussi.
Mais je pense que c'est une combination des deux.
Il faut essayer de régler les deux en fait.
Effectivement.
Quand tu rentres en médecine, souvent on arrive du cégep, on ne se connait pas trop.
On entre dans ce parcours-là.
On nous dit à l'entrée, vous êtes la crème de la crème.
C'était quoi qu'ils nous disaient?
La société vous surveille.
Quand tu te te fais dire ça, tu as 18-19 ans, comme, oh mon Dieu, il me semble que tu ne
réalises pas le poids.
Tu réalises pas.
Ça se peut qu'après, 5 ans plus tard, tu apprends à te connaître au travers des stages,
puis tu te rends compte que, effectivement, j'ai peut-être pas...
J'ai peut-être une grande résistance au stress, parce que je pense que pour entrer en
médecine, il faut avoir un minimum de résistance au stress.
Mais peut-être qu'en termes du spectre de résistance au stress qui est nécessaire pour
durer, peut-être que je ne suis pas dedans.
C'est un peu ça que Sonia voulait dire.
Non, c'est correct de se l'avouer.
Exact.
C'est ça.
C'est de respecter tout simplement nos valeurs et être en cohérence avec ce qu'on dit, ce
qu'on fait, ce qu'on pense.
Si vous aviez pu vous conseiller avant d'entrer en médecine, tu parlais Alice quand tu
étais allée à ton école secondaire, si tu t'étais croisée dans le gymnase en train de
jouer au basket, qu'est-ce que tu te serais dit?
Je pense que je me serais assise avec moi-même et je me serais dit, là tu es vraiment
dans...
déjà au moment où j'étais dans la performance, combien de Méritas tu vas avoir, je me
définissais quand même par la réussite, par mes Méritas.
Je pense que j'aurais eu une discussion avec moi-même en me disant que tu amorces une vie
dans laquelle tu dois faire un choix, dans un job dans lequel tu vas travailler.
Et je me serais dit t'as pas besoin d'être dans l'hyper performance pour te faire aimer.
Je pense juste ça, ça m'aurait fait, ça m'aurait apaisé et ça aurait fait en sorte que je
le sais même pas si je serais entrée en médecine, pour être bien honnête parce que moi je
regardais aussi beaucoup la psycho, j'étais quand même intéressée par ça mais vu que
j'avais des bonnes notes, je me disais que je ne peux pas aller là-dedans, il faut que
j'aille en sciences de la nature.
Tu sais, dans les "il faut, il faut", là.
Donc je pense que déjà là à moment-là, j'aurais eu une discussion avec moi-même en disant
que je n'ai pas besoin de gagner tous les Méritas, je n'ai pas besoin d'être la meilleure
dans tout pour me faire aimer.
Juste être moi c'est assez.
Ça, ça aurait changé beaucoup sur mon choix de carrière et ce que j'aurais fait.
Peut-être que je serais entrée en médecine aussi, mais je pense que j'aurais appris déjà à
cet âge-là
à m'autosuffire et à m'estimer sans nécessairement être dans une performance.
Oui.
Toi?
C'est une excellente question.
Je pense que c'est la première fois que je me la fais poser, mais moi je pense que
clairement j'aurais dit, je me serais dit à moi-même, sois plus douce envers toi-même et
pratique l'autocompassion dans le fond.
Parce que je pense que si j'avais été plus
autocompatisante envers moi-même, j'aurais pu laisser les réflexions émerger, puis
justement les besoins non comblés émerger plus tôt, ou du moins je les aurais plus
écoutés.
Tu sais, un peu comme être compatisante envers toi-même, c'est un peu comme quand tu
parles à ta meilleure amie, t'sais, pis quand tu parles à ta meilleure amie, t'es pas en
mode jugement, tu juges ses émotions, tu juges ses pensées, t'es vraiment plus en mode
accueil, pis t'as le goût d'en savoir plus sur qu'est-ce que l'autre vit, t'as le goût
d'essayer de la comprendre, décortiquer avec elle ses émotions.
Je pense que si j'avais été réellement ma meilleure amie durant tout mon secondaire,
cégep, même l'université, je pense que...
Je ne sais pas si j'aurais pris la décision plus tôt de quitter, puis remarque que c'est
sûr que d'avoir traversé le doctorat en médecine, je pense que ça m'a appris beaucoup,
beaucoup de choses aussi sur moi, donc je ne pense pas que je regrette à un certain point,
mais peut-être que mes choix auraient été différents, puis peut-être que ça m'aurait
coûté moins de problèmes de santé mentale par la suite.
Donc, oui, je dirais ça.
Si je te revire la question, Steven, qu'est-ce que tu te serais dit?
Ta valeur ne dépend pas du regard des autres.
Ça, ça m'a pris du temps à le réaliser.
Moi aussi, je me définissais beaucoup par la performance.
Pour être digne d'amour, il faut être le premier, il faut être parfait, donc le
perfectionnisme tout le temps.
Juste que je suis suffisant tel que je suis.
De vivre en accord avec ce que je veux, bien, c'est juste normal.
Puis de traverser des difficultés parce qu'il va y en avoir.
Il y en a eu, puis je vais en avoir d'autres.
C'est normal.
L'autre conseil que je me dirais, c'est parle plus.
Va voir les gens autour de toi, demande de l'aide.
Ose dire quand ça ne va pas.
Parce que je m'étais beaucoup isolé.
Moi, je suis enfant unique.
J'étais un peu dans la mentalité qu'il faut que je m'organise tout seul.
...
Donc c'était toujours ça le premier réflexe.
C'était comment je peux aller puiser en moi, dans mes ressources, pour m'organiser tout
seul.
De ne pas demander de l'aide, pour moi c'était une réussite.
C'était comme la preuve que je faisais bien les choses.
Mais le conseil que je me dirais c'est non, demande de l'aide.
Ça prend une grande maturité pour savoir quand on a besoin d'aide.
Finalement, de m'entêter à ne pas demander de l'aide, c'est pas bienveillant.
Je trouve ça beau ce que tu dis, c'est de devenir son meilleur ami.
Si j'avais été capable d'être mon meilleur ami, qu'est-ce que je me serais dit?
Puis c'est bien certain que, comme tu dis, il faut être dans l'accueil.
Plus dans la validation de ce qu'on pense puis de ce qu'on ressent beaucoup aussi.
Puis j'avais cette petite voix intérieure-là qui me parlait, mais que j'avais appris à
taire.
Puis je pense que d'apprendre à l'écouter, d'apprendre à lui parler avec gentillesse,
c'est pas de la faiblesse, au contraire.
Je ne me suis jamais senti aussi fort que depuis le moment où j'ai parlé de mes
vulnérabilités, puis où j'ai repris le contrôle de mon histoire.
Je ne laisserai pas les autres définir qui je suis.
Je pense que le fait d'en parler, ça brise l'isolement, puis ça brise le silence, puis
cette espèce d'omerta
qu'on a dans notre milieu.
Puis je dis souvent, les choses sont tabous parce qu'on tolère qu'elles soient tabous.
Fait que si on ne veut pas que ça soit tabou, ben parlons-en.
Puis arrêtons d'en débattre, là, que c'est tabou pas tabou.
On va juste en parler, tu sais.
Puis je pense qu'il faut juste commencer à quelque part.
Puis on ne peut pas contrôler quand est-ce que les autres sont prêts à parler, mais on
peut, nous...
C'est faire le travail d'en parler.
On se contrôle soi-même, on contrôle nos perceptions, on ne contrôle pas nos émotions,
mais on peut les écouter et essayer d'apprendre de ça.
Je pense que c'est ça que je me dirais.
Puis si je te repose, aussi une question que tu nous as posée, c'est quoi le retour que tu
as eu depuis justement que tu en parles plus, puis c'est quoi ce que les gens disent
autour de toi en fait?
C'est très positif.
J'entends beaucoup le mot courage, un peu comme vous avez dit.
Moi, je dirais que je ne suis pas courageux nécessairement.
Je pense que d'en parler, ça fait juste prouver qu'on est plusieurs personnes à se sentir
comme ça.
Je ne suis pas donc unique
en ayant vécu ces difficultés-là, il y a un paquet d'autres personnes qui sont passées au
travers.
Là où peut-être je suis différent, c'est que je n'ai pas accepté de me laisser contrôler
par ces événements-là, puis de laisser des facteurs extérieurs, un système dysfonctionnel
me définir, puis que je peux quand même faire le choix
d'adapter ma pratique en fonction de mes valeurs.
Les retours que j'ai eus, en fait, avant d'en parler, j'avais eu plus de craintes.
J'ai des gens qui m'avaient déconseillé d'en parler, entre autres sur les troubles de
dépendance, pour un paquet de raisons qu'on connaît,
entre autres les enjeux de déontologie.
Mais moi, j'avais toujours dit que je séparais ma vie personnelle, ma vie professionnelle,
toujours protéger ma profession, puis la population, puis de jamais mélanger les deux.
Cette déconnexion-là de soi-même, je pense que c'est très insidieux.
Même sans aller dans le trouble, combien de fois on rentre du travail et on dit "Ah, Ah,
j'ai besoin d'un verre de vin" ou
de dire "Je veux bien dormir, je veux éteindre mes pensées." Les substances peuvent
devenir un espèce de raccourci pour atteindre un état.
Éventuellement, il faut réussir à court-circuiter ces raccourcis-là pour aller plus dans
des comportements sains et d'essayer de trouver de la dopamine
autrement.
Mais l'autre chose que j'ai répondu aux proches qui émettaient des réserves, c'était que,
oui, le rôle des ordres professionnels comme le Collège des médecins, la première mission,
c'est la protection du public.
Mais ce que je disais, c'était que si on veut vraiment protéger le public, il faut faire
en sorte que les soignants se soignent, qu'ils soient en santé, puis donc, qu'ils
demandent de l'aide professionnelle quand c'est nécessaire, puis qu'ils
puissent se sortir de la honte qui fait en sorte qu'ils restent dans des comportements
destructeurs.
Puis le fait d'en parler, ça n'invente pas la réalité.
Ça fait juste lever le voile sur quelque chose qui est déjà là.
Qu'on le veuille ou non, actuellement, il y a des soignants qui consomment puis qui sont
peut-être même rendus à l'étape du trouble.
Oui, ça peut mettre les gens inconfortables de nommer ça.
Que vous soyez confortable ou inconfortable à entendre ça, c'est la réalité.
Fait que je pense que d'en parler de plus en plus ouvertement, bien, ça va juste faire en
sorte que les gens vont se dire, OK, comme on dit en anglais : "Now what?
So what?" Comme, l'important, je pense, c'est justement de toujours veiller à la
protection du public là-dedans.
C'est sûr que là, si on tombe dans le fait de consommer au travail ou d'aller vraiment
dans des expériences comme ça qui peuvent mettre en danger la population, il y a un code
de déontologie pour une raison, puis ça, ça, je le comprends, mais je pense que de soigner
nos soignants puis de faire en sorte que les gens sortent de la honte, il ne devrait pas y
avoir de honte à ça, justement.
Vraiment.
Absolument.
Puis dans ce que tu dis, d'en parler puis de ne pas avoir honte puis de briser un peu le
silence, ça vient chercher le principe dans l'autocompassion qui est l'humanité commune.
Puis une des clés justement pour être plus compatissants vers soi-même, c'est de sentir
qu'on n'est pas seuls là-dedans puis on fait partie d'une humanité commune puis on est
tout le monde ensemble.
Il y a quelqu'un à l'autre bout de la planète qui vit peut-être pas exactement les mêmes
choses que toi, mais sensiblement les mêmes choses.
Je trouve que c'est ça, ça augmente aussi la compassion envers soi-même quand tu sais que
tu n'es pas seul là-dedans.
Mais cette humanité commune-là en médecine, on ne l'a pas beaucoup.
Non, vraiment pas.
Parce que c'est comme si, avant d'être humain, on est professionnel.
C'est inculqué très tôt dans le parcours.
Notre humanité derrière le sarrau n'est pas très mise de l'avant.
C'est dur après justement de sentir qu'on fait partie d'une humanité commune que d'autres
gens souffrent en médecine, quand personne n'en parle.
Nous on se sentait seules.
Nous on était deux et on se sentait seules.
On est deux sœurs et une chance qu'on est ensemble parce que pour vrai, je ne sais pas.
J'avais de la misère à trouver des gens nécessairement à qui en parler parce qu'on n'en
parle pas de ça.
Pour justement protéger l'image, pour répondre aux besoins du "Il faut s'occuper de la
société, il faut..." On est responsable de la société, mais avant tout on est responsable
de nous-mêmes.
Puis après on peut être responsable de la société.
On est beaucoup dans le sauveur, on va s'oublier soit pour sauver l'autre, tu sais.
Mais c'est quand nous en thérapie, en dépendance, on en parle beaucoup du rôle du sauveur,
puis en quoi justement ça alimente des fois les patterns de dépendance.
Et c'est sûr que les soignants sont sujet à ça en fait.
Ils sont le sujet à développer des troubles et tout ça.
Tout comme tout être humain, dans le fond, on n'est pas à l'abri de ça personne.
C'est comme si on a un idéal que le médecin ne soit jamais être malade, qu'il n'y aura
jamais de troubles, parce que mon Dieu, sinon la société ferait quoi?
Justement, c'est ça le problème.
Je pense aussi que la santé des patients ne repose pas uniquement dans les mains du
médecin.
T'as bien beau aller chez ton médecin de famille une fois par année pour faire ton bilan
de santé.
Ça reste que c'est toi au quotidien qui choisit ton alimentation, qui choisit justement si
tu fais du sport, tes heures de sommeil.
À un moment donné, tout ne repose pas sur nos épaules non plus.
Mais il y a quand même une imputabilité puis elle doit être là en quelque sorte encore là
pour protéger le public.
C'est pour ça que je trouve ton podcast, je trouve que c'était une géniale idée, puis ça
vient chercher un peu l'idée du nôtre de briser ce silence-là, puis ces tabous-là, cette
omerta-là, justement de ne pas en parler.
En conclusion, qu'est-ce que vous aimeriez dire aux gens qui nous écoutent?
Moi je dirais à ceux qui nous écoutent que si jamais ils ont des questionnements et que
l'idée de quitter la médecine tout simplement leur vient à l'esprit, je dirais de ne pas
taire cette voix-là, mais d'aller approfondir ce questionnement-là.
Ce n'est pas parce que tu l'as approfondi que ça va être ça ta décision, tu en es la
preuve, Steven.
Tu l'as eu ce questionnement-là et finalement avec tout ton parcours, ton développement
personnel, tu as décidé de rester, tu as trouvé du sens dans ton emploi.
Et nous, ça a été autrement.
Mais je pense que le dénominateur commun, c'est qu'on a su trouver un certain bien-être
après tout ça.
Puis un sens aussi.
Un sens.
Fait que l'idée, c'est pas de dire, la bonne réponse est quitter ou non, mais c'est plus
de dire, toi, trouve ta propre réponse.
Mais pour ça, pose-toi les bonnes questions.
Puis de ne pas rester seul dans ces questionnements-là.
En parler, en parler à des professionnels des relations d'aide, se donner du temps comme
Maude disait.
Moi, je pense que ça passe par là.
Puis pour ça, il faut se donner le droit.
Il faut se donner droit de mettre un genou à terre et d'aller dans cette direction-là qui
est dans la vulnérabilité, dans l'écoute de soi, dans l'introspection.
C'est là qu'on trouve le sens.
Je dirais simplement que la médecine ne te définit pas.
C'est une partie de ton identité, mais ce n'est pas ton identité au complet.
De faire confiance que peu importe le choix que tu vas prendre,
t'as d'autres sphères à l'intérieur de toi qui te définissent pis faut juste que tu les
creuses pis tu les trouves.
Mais c'est faux de dire que t'es médecin ou t'es rien.
Complètement faux.
T'es une personne pis t'es une humaine comme une autre ou un humain comme un autre pis
t'as tes rêves, t'as tes qualités, t'as tes défauts, t'as tes projets, tes passions mais
c'est pas juste la médecine.
Toi Steven, qu'est-ce que tu dirais?
Je dirais qu'on est plus fort quand on est ensemble.
Puis de combiner, de partager notre humanité.
Je pense que c'est pour moi, comme je le dis, le sens que j'ai trouvé, c'est la connexion.
Fait que cette connexion-là, je pense qu'il faut
l'entretenir puis il faut faire en sorte de créer des occasions pour qu'on puisse
connecter ensemble puis d'arrêter d'espérer que la solution vienne d'en haut, que le
système change pour prendre soin des soignantes, des soignants.
Il faut être réaliste.
On vit dans un système qui est dysfonctionnel.
On fait partie de ce système-là.
Mais comment on peut s'unir ensemble pour être plus forts, plus fortes et créer quelque
chose qui pourrait faire en sorte qu'on redonne du sens à tout ce qu'on fait.
Où est-ce qu'on peut vous entendre, vous voir?
On peut nous écouter sur Spotify, YouTube, ce sont nos deux principales plateformes pour
notre podcast "Médecine à double tranchant".
On a pris une pause pour l'été parce qu'on creusait un peu plus notre projet
d'entrepreneuriat, mais on devrait recommencer de sitôt à l'automne.
Fait qu'on parle vraiment dans ce podcast-là de
justement du double tranchant à la médecine, puis des fois le côté dont on ne parle pas
assez qui est la souffrance, puis normaliser plusieurs thèmes, comme on a fait des sujets
sur le perfectionnisme, sur la perte de sens, la perte de valeur.
Puis vous pouvez nous suivre aussi sur Facebook, Instagram, c'est là qu'on publie souvent
l'annonce de nos podcasts.
Exactement.
Écoutez, merci beaucoup pour le moment qu'on a passé ensemble.
Je suis très content que la vie ait fait en sorte qu'on se soit rencontré.
...
Je suis très content qu'on ait décidé d'aller de l'avant et d'enregistrer quelque chose
parce que je trouve que nos discussions avaient toujours été stimulantes.
Honnêtement, les filles, je vous trouve vraiment inspirantes et matures.
Je pense que les gens devraient prendre exemple sur vous.
En tout cas, continuez ce que vous faites parce que c'est très beau.
Ah t'es fin, Steven.
Moi, je voulais juste te dire que c'est exactement ce qu'on t'a dit la première fois qu'on
t'avait parlé, mais je trouve ça vraiment rafraîchissant de voir un médecin en coton ouaté
sans carapace.
Et là maintenant, de pouvoir parler à quelqu'un comme toi qui ose vraiment enlever les
barrières, moi, ça m'a vraiment apaisé dans mon processus de changement.
Ça donne aussi espoir d'entendre d'autres médecins qui témoignent.
Ça change l'espèce de vision rigide du médecin qui se pense au-dessus de tout le monde.
Au contraire, tu es tout le contraire de tout ça.
Ça me rassure beaucoup pour notre système de santé aussi.
Merci encore et à très très bientôt.
À bientôt, salut
Créateurs et invités
