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Épisode 0.8 : On ne peut pas juste s'adapter tout le temps – Dre Mélissa Généreux, santé publique Épisode 8

Épisode 0.8 : On ne peut pas juste s'adapter tout le temps – Dre Mélissa Généreux, santé publique

· 47:10

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Ce que je rêve qu'on lance comme message à nos employés, c'est que notre vraie motivation,
c'est qu'on veut que vous soyez heureux au travail et que vous vous épanouissiez.

Ça demande un revirement de situation, ça demande beaucoup d'efforts et d'énergie en
amont.

C'est complètement un changement de perspective.

Bonjour et bienvenue à « Soigner jusqu'à se briser ».

Je m'appelle Steven Palanchuck, et aujourd'hui, avant de commencer cet épisode, je voulais
prendre un petit instant avec vous pour vous expliquer pourquoi il y a eu un délai un peu

plus long que prévu entre le dernier épisode publié puis celui-ci.

Pour les personnes qui me suivez sur les réseaux sociaux, vous avez probablement vu passer
quelques publications sur le dernier projet.

Un projet qui est né de ce balado puis des conversations que j'ai eu la chance d'avoir
avec vous.

C'est un projet qui s'appelle « VociNova ».

VociNova pour « la nouvelle voix » des soignantes et des soignants.

Une réponse collective

pour réussir à prendre soin de nous entre nous de manière différente.

Si c'est quelque chose qui peut vous intéresser ou si vous voulez en savoir plus, vous
pouvez visiter le site internet www.vocinova.com.

Donc pour l'épisode d'aujourd'hui, notre huitième épisode hors série, je vous invite à ma
conversation avec la Dre Mélissa Généreux.

Mélissa est médecin spécialiste en santé publique et en médecine préventive.

Elle est professeure à l'Université de Sherbrooke, mais elle est surtout reconnue pour son
expertise sur les impacts psychosociaux des grandes crises sur la santé des populations,

par exemple la tragédie de Lac-Mégantic ou plus dernièrement, évidemment, la pandémie de
COVID-19.

Donc ensemble, on a parlé de plusieurs choses, notamment des conséquences un peu
insoupçonnées ou moins mesurées de ces grandes crises-là sur les soignantes et les

soignants.

Elle parle de l'importance d'avoir non seulement une approche individuelle, mais aussi une
réponse collective à ces problématiques,

de manière à ce que les milieux puissent prendre soin des personnes qui sont sur le
terrain.

Elle va d'ailleurs publier très bientôt un livre aux éditions Leméac

qui s'appelle « Renforts : un essai pour la santé mentale » où elle aborde des
problématiques similaires et où elle offre des solutions concrètes.

Donc, j'espère que vous allez être inspirés par cette conversation tout comme je l'ai été.

Prenez un petit deux minutes, s'il vous plaît, pour donner cinq étoiles sur les
plateformes d'écoute de balado ou pour partager un épisode avec un ou une proche ou un ou

une collègue.

Ça fait vraiment une différence

pour nous.

Donc, sur ce, je vous souhaite une bonne écoute.

Pourquoi tu as accepté de partager à ce projet-là?

Le bien-être sur son continuum, au fur et mesure qu'on en parle, on découvre qu'il y a
beaucoup plus de gens qu'on pense qui sont fragilisés, qui n'en auraient peut-être pas

parlé autrement.

Donc, à chaque fois qu'on a l'occasion

de rappeler ce concept-là et l'importance de trouver des solutions, pas juste
individuelles mais collectives, que ce soit pour notre population, mais aussi pour nos

soignants qui s'occupent de notre population, ça vient évidemment m'interpeller.

Je trouve que souvent, cette population-là, les soignants, c'est un peu notre angle mort
parce qu'on s'occupe beaucoup de la population.

On prévoit, puis on réagit quand il y a des tragédies, mais on a souvent tendance à
oublier ceux qui sont aux premières loges puis qui vont intervenir dans ces tragédies-là.

Totalement, totalement.

Ça ressort de plus en plus.

Le 5 ans après la pandémie vient ressortir beaucoup ça.

Moi, je suis interpellée par différents médias parce que le 13 mars 2025, ça fait 5 ans
pour la pandémie.

Puis l'angle est beaucoup à travers la population.

On va se rappeler qu'est-ce que ça a pu causer en termes d'enjeux au niveau de l'anxiété,
la dépression pour la population.

Mais il est de moins en moins rare que quand on fait ces présentations-là

sur les constats qu'on a appris à des partenaires - oui de la santé, mais je dirais aussi
du municipal, scolaire - que les gens nous disent : "Oui, c'est correct, merci de nous

informer que la population a été touchée...

Mais comment ça, vous ne parlez jamais de l'impact que ça a eu chez nous?" Les gens, je
pense, commencent à sentir

peut-être qu'ils ont été un peu plus laissés pour compte dans les études.

Puis souvent quand on voit des enquêtes, par exemple, qui documentent les impacts sur les
soignants ou les intervenants en première ligne directe d'intervention ou de soutien à la

population, c'est souvent mené par les syndicats.

C'est mené par des gens qui sont là pour les défendre, alors que ceux qui sont là pour
s'enquérir de l'impact de grandes crises sur le bien-être de la population devraient aussi

considérer les soignants et les autres intervenants comme un groupe de la population

qui est touché fortement au départ, mais qui n'a jamais arrêté dans tout ça, puis qui a dû
continuer.

Il n'y a pas eu de pause après, il n'y a pas eu de pendant et de après.

après.

Moi, personnellement, je ne serais pas capable de dire quand est-ce qu'on peut dire que la
crise était derrière nous, parce que la crise a mené à d'autres sous-crises, si on veut,

ou des changements profonds dans notre système de santé, mais aussi dans l'état de santé
de notre population.

Inévitablement, ça vient changer la nature des soins et des services qu'on offre.

Il y a comme une transformation sociétale à laquelle on doit aussi s'adapter.

Donc c'est comme si on est toujours crise par-dessus crise.

Moi, je sens que notre monde est essoufflé.

Je ne peux pas dire que c'était pire pour les deux premières années qui ont suivi la
pandémie et qu'après ça, on est sur une pente ascendante.

En tout cas, du moins, de manière qualitative ou de manière de ce que je reçois comme
commentaire.

Les gens ont plus que jamais besoin qu'on reconnaisse le chemin parcouru et les efforts
qui ont continuellement été délivrés

pour toujours essayer de minimiser un peu les impacts de ces crises-là sur la population.

Puis, pourquoi on ne s'en soucie pas autant?

C'est une bonne question.

Je ne peux pas parler pour tout le monde, déjà, je pense que d'avoir réussi à mettre de
l'avant, ou démocratiser le fait que le bien-être collectif, ça le dit, c'est une

responsabilité collective.

Ce n'est pas juste une histoire

de soins de santé, d'accès à la psychologie ou à la psychiatrie ou à la médication.

C'est une histoire de réfléchir à comment on façonne notre quotidien, de manière à avoir
une influence positive et le moins possible d'influence négative sur le bien-être.

Déjà ça, d'être capable, 5 ans après la pandémie, d'avoir un espace même pour être écouté,
d'avoir des gens qui organisent des conférences sur le sujet, d'avoir des médias qui nous

interpellent sur le sujet, c'est déjà un exploit en soi.

Avant la pandémie, je ne réussissais pas

à avoir cette écoute-là ou cet intérêt-là de nos partenaires ou de la population ou des
médias.

Donc, je pense que c'était peut-être la première grande étape, puis que là, on va être
capable d'un petit peu plus raffiner, puis d'y aller en documentant par sous-groupe.

Je vois que les gens le reconnaissent.

La prochaine étape serait de, maintenant qu'on a documenté ça, pourquoi on ne reproduit
pas ce type d'enquête-là et d'approche-là, mais destinée de manière plus spécifique à

probablement le groupe le plus touché, c'est-à-dire les gens qui viennent en aide à la
population.

J'ai fait plusieurs entretiens avec des soignantes et des soignants.

Une des choses qui revient souvent dans les frustrations, c'est le manque de considération
ou le fait que les soignants ne se sentent pas entendus, vus, considérés.

Donc, je trouve ça intéressant ce que tu nommes parce que c'est clairement ça le besoin,
je trouve, qui est exprimé.

Mais moi, j'ai ma petite théorie.

Mais dans les années qui ont suivi la pandémie, on m'a souvent demandé de parler de
résilience.

Il y a trois niveaux en théorie de la résilience.

La résilience des individus, la résilience des organisations et celle des communautés.

J'ai fait souvent cette conférence-là, j'ai rencontré plein de groupes.

Quand on parle de résilience individuelle, tout le monde hoche la tête, puis les principes
derrière ça, puis les actions qu'on peut faire pour renforcer la résilience des individus.

On est à l'aise avec ça.

Je vais y aller en caricature, mais d'offrir des cours de yoga, organiser des activités
XY, tranquillement, ça je pense que les gens reconnaissent que oui, c'est jouable, puis on

peut faire ça.

Envoyer des petits messages d'espoir, etc.

Après ça, la résilience des communautés.

Ça marche de plus en plus, de reconnaître que les différents acteurs de la communauté
doivent se rassembler ensemble pour dire qu'est-ce qu'on peut faire à l'échelle plus

grande que nos organisations, à l'échelle des communautés, pour essayer d'avoir un impact
aussi.

Parce que c'est beaucoup moins engageant.

Chacun se concerte ensemble, puis après ça c'est l'affaire de tout le monde, mais de
personne spécifiquement.

Mais quand je parle des principes de résilience des organisations, c'est sûr que par
organisation je pense notamment aux organisations de santé.

Les bons principes pour stimuler la résilience des organisations passent par beaucoup plus
que juste des solutions individuelles.

Ça passe par un changement de culture, une redistribution des pouvoirs.

Ça change par une certaine cohérence dans l'ensemble des décisions qu'on prend pour être
sûr que le message est lancé aux gens soit "Vous comptez pour nous.

Votre voix nous intéresse, on veut que vous fassiez partie des solutions".

Donc ça, ce sont les grands principes de résilience organisationnelle, dits de façon très,
très macro.

Puis d'admettre ça, c'est d'admettre que finalement, il faut changer complètement les
bases de nos façons de travailler actuellement dans nos services publics, de la santé.

Je pense qu'on peut dire que dans l'éducation, un autre domaine que je connais quand même
pas pire, ça ressemble aussi.

Donc ces prémisses-là, sous-jacentes au principe de la résilience des organisations puis
des personnes,

dans ces grandes organisations-là, c'est un peu plus difficile à admettre parce que
implique des changements pour lesquels, je pense, on n'est pas prêt.

Moi je serais prête, mais je veux dire, ça demande que nos décideurs à très haut niveau
soient prêts.

C'est délicat.

En fait, moi j'ai développé une aversion pour le mot résilience en tant que tel, pour les
individus, parce que je trouve tellement que ça a été mis un peu à toutes les sauces

durant les tragédies ou durant la pandémie.

On sait qu'on travaille dans un système qui est souvent décrit comme étant dysfonctionnel,
mais au lieu de changer le système, on demande aux individus de s'adapter.

Mais totalement, c'est pour ça que moi, jamais je ne parle de résilience individuelle
toute seule.

C'est sûr qu'on ne peut pas déresponsabiliser les individus.

On ne peut quand même pas dire que tout est imputable aux systèmes, aux organisations et
aux communautés.

Mais en même temps, l'inverse est totalement vrai.

Si c'était si simple que ça, de dire "Voici les outils pour te sentir bien, pour prendre
plus soin de toi, pour évoluer positivement et faire face à l'adversité...

Voilà, je te les donne, utilise-les et tout va bien aller".

Comme je le dis souvent, je serais au chômage.

Moi, comme médecin de santé publique, en fait, on serait tous au chômage parce qu'on
pourrait aussi partir de cette prémisse-là pour dire que, bien voilà, les saines habitudes

de vie, voici, vous ne devez pas fumer, vous ne devez pas trop boire d'alcool, faites de
l'activité physique tous les jours, ne mangez pas de fast-food, plein de fruits et légumes

et pas trop d'exposition soleil.

Puis là, la liste continue.

Si c'était si simple que ça de penser que

d'informer les gens et leur donner certaines ressources accessibles qui nécessitent des
changements de comportement et une prise en charge individuelle, si ça s'arrêtait à ça, on

serait en échec total sur plein d'enjeux de santé publique.

Ça inclut la santé mentale et le bien-être au sens large.

Pour moi, c'est indéniable qu'on doit être cohérents et agir aussi à l'échelle des
organisations et à l'échelle des communautés.

Et comme je dis, j'ai l'impression qu'à l'échelle des communautés, surtout quand une
communauté a été

échaudée par une crise, je prends l'exemple de la communauté de Lac-Mégantic, c'est venu
assez naturellement, je dirais, de dire que ça transcendait l'approche individuelle et il

fallait qu'on se retrousse les manches tout le monde ensemble.

Mais malgré ça, quand c'est le temps de dire à l'intérieur des organisations, est-ce qu'on
peut se regarder le nombril, puis est-ce que nous-mêmes on les applique ces principes-là

de collaborer ensemble?

D'être dans l'empowerment, d'avoir un espace d'innovation, de créativité pour que chacun
retrouve un sens et qu'on a l'impression de tout le monde naviguer dans la même direction?

Là, je te nomme plein de principes que les dire et voir comment ça s'applique exactement
dans le réseau de la santé, il y a comme un petit paradoxe.

Sinon, je ne navigue pas dans la bonne partie du réseau, mais moi, j'entends couramment
que dans le réseau,

c'est pas que les personnes qui sont là sont mal intentionnées, je ne pense vraiment pas,
mais il y a des orientations du haut qui de plus en plus deviennent centralisées, de moins

en moins axées sur redonner un pouvoir aux gens, une certaine autonomie, puis une
valorisation même de leur savoir, de leur vécu, de ce que eux pensent qui pourrait aider à

aller mieux.

Donc vraiment les inviter à contribuer, à sentir qu'ils sont utiles,

qu'ils ont un pouvoir d'agir et d'influencer les choses.

Moi j'ai quand même cette impression-là qu'avec le temps, ça ne fait que s'empirer cette
perception-là, du moins qu'on a moins de pouvoir et qu'on est plus dans une chaîne de

commandement du haut vers le bas que du bas vers le haut.

Moi, je suis peut-être un peu plus du côté de la clinique que toi qui a une vision plus
macro, mais je trouve que tu as décrit exactement le problème tel que ça a été mentionné

par plusieurs de mes collègues que j'ai interviewés.

C'est-à-dire que c'est rarement un problème de connaissances parce que comme soignant, on
sait exactement quoi faire.

Je vais parler pour moi quand j'allais moins bien, je savais exactement quoi

faire pour prendre soin de moi, pour avoir des saines habitudes de vie, une bonne hygiène
de vie.

Je l'enseigne moi-même aux patients, mais c'était de me l'approprier et de passer à
l'action.

Le gap, il était là.

Je trouve autant pour les individus, pour les soignants, c'est souvent un défi, mais pour
les organisations aussi.

Il y a beaucoup de grands plans institutionnels, de plans stratégiques avec des belles
phrases.

Je pense que les gens sont bien intentionnés, mais quand vient le temps de passer de la
parole aux actes, c'est souvent là que c'est difficile.

Bien, moi-même aussi, j'ai eu des moments plus difficiles pour différentes raisons, mais
mettons un exemple plus récent, j'ai un enfant à la maison qui a eu un cancer grave.

J'ai dû m'absenter, mais le système n'est pas super conciliant pour ces affaires-là.

Tu pars, puis quand tu pars, tu pars, puis après ça quand tu reviens, tu reviens à temps
plein.

Je trouve que c'est difficile.

Moi, je suis juste partie un mois.

La façon dont le système est conçu, c'est pratiquement comme si on disait, ça serait plus
simple que tu partes pour 6 mois, si t'es pour revenir en te disant que tu es à moitié

performante à ton retour.

Je trouve qu'on a un système qui fait en sorte que c'est peu flexible, c'est peu humanisé.

Comme je dis, ce ne sont pas les gestionnaires qui ne sont pas humains, mais le système,
les règles en place, les procédures, les systèmes d'assurance...

Tout est fait en sorte que

ce soit très dichotomisé.

Es-tu en forme ou tu ne l'es pas?

Puis après ça, si tu ne l'es pas, voici ce qui s'offre à toi.

Pars, puis quand tu seras en forme, reviens.

Puis après ça, on met beaucoup dans les impacts un peu psychosociaux, les enjeux
psychosociaux.

Puis dans les équipes, moi, de ce je comprends, c'est qu'on va souvent cibler les équipes
où on voit qu'il y a beaucoup de départs, de congés maladies.

Puis là, on va se dire oups.

On va s'intéresser à

essayer de comprendre quels sont les facteurs de stress un peu psychosociaux, puis sur
quoi on peut agir, puis comment on peut aider les personnes en absence à peut-être revenir

le plus vite possible.

C'est une chose, mais pour moi, la vraie de vraie résilience organisationnelle, c'est
aussi de s'intéresser aux équipes qui vont bien, comprendre qu'est-ce qui fonctionne bien

dans ces équipes-là, puis comment, de façon plus proactive puis en amont et en prévention,
on peut répliquer les ingrédients de succès des équipes qui fonctionnent bien, de manière

à ce que les gens

n'aient pas le message "Écoute, on va essayer que vous ne soyez pas en nombre restreint
parce que ça met de la pression sur tout monde" et finalement on rentre dans un cercle

vicieux.

Non, notre vraie motivation au départ, Ce que je rêve qu'on lance comme message à nos
employés, c'est que notre vraie motivation, c'est qu'on veut que vous soyez heureux au

travail et que vous vous épanouissiez.

que votre travail contribue à vous faire passer d'un État X à un État Y, et l'État Y étant
meilleur que l'État X.

Plutôt que d'essayer d'éviter de vous amener trop creux de manière à ce que vous quittiez
ou vous soyez temporairement hors d'usage.

Ça demande un revirement de situation, ça demande beaucoup d'efforts et d'énergie en
amont.

mais je suis convaincue que de le faire avec cette optique-là et que les gens sentent que
ce n'est pas parfait, mais que notre système est là avec cette vision du moins et ce désir

sincère de nous amener à s'épanouir et à être heureux au travail.

C'est complètement un changement de perspective.

qui peut aussi changer le sens, le sentiment que le travail devient un défi qui est digne
d'investissement.

Il y a des difficultés, c'est pas grave, j'ai confiance que ma boîte veut mon bien, et moi
je veux le bien de ma boîte et on travaille ensemble.

Donc cet attachement-là, cet appartenance-là, ce sentiment de communauté, pour moi, ce
sont tous des ingrédients quand même assez

centraux, si on veut être capable d'avoir un bonheur au travail.

Je parle de résilience, mais au bout du compte, la résilience, c'est un processus.

Mais le résultat qu'on veut, c'est que les gens soient avec un meilleur niveau de bonheur
et de bien-être possible.

C'est à la fois nos employés qui sont des humains qui vont en profiter.

En plus, notre système va l'avoir en effet quintuple parce que si tout le monde est
heureux

et présents et performants parce qu'ils sont heureux et bien, c'est toute notre société
qui s'en sort gagnante.

Il me semble dans ma tête que c'est juste gagnant, gagnant, gagnant, mais bon...

Peut-être que je suis trop simpliste dans ma façon de concevoir les choses, mais il semble
qu'il y aurait moyen de faire un petit tour de roue pour réaligner certaines orientations.

C'est souvent ce qui revenait dans les autres messages, c'est-à-dire qu'on est beaucoup
dans la réaction.

On est rétroactif plutôt que d'être proactif, puis dans la prévention.

Puis ce que tu nommes, c'est exactement ça.

Puis je pense que les gestionnaires ne sont pas mal intentionnés.

Quand tu parles de la société, je trouve que d'investir dans le bien-être des soignants,
effectivement, c'est gagnant-gagnant parce qu'au lieu d'accommoder une réduction de

services, on pousse les individus à bout.

Puis quand ça arrive, là, c'est une perte, une perte nette, puis c'est une perte pour la
société complète.

J'ai beaucoup de difficultés à comprendre.

Pourquoi on ne change pas?

Puis, un de mes mantras pour cette année, c'est "Pour avoir des résultats différents, il
faut faire les choses différemment".

Donc, est-ce qu'on peut se permettre d'au moins se poser la question?

non, puis sincèrement, je sais que les gens ont peur.

L'autre fois, je faisais une entrevue, puis je disais qu'on devrait avoir tout le temps un
baromètre de la santé mentale un peu intérieure, puis même entre équipes.

être capable de façon très imagée.

Je suis dans le vert, ça va super bien.

Aujourd'hui, je suis plus dans le jaune, dans l'orange ou dans le rouge.

Rouge, ça ne va vraiment pas bien.

C'est pas ma journée.

Je me demande même pourquoi je suis rentrée travailler ou peut-être que je ne suis juste
pas rentrée travailler.

Puis en fonction de ça, être capable de s'écouter un peu et dire "Je vais forcément être
moins performant aujourd'hui, je vais m'écouter, je vais le partager à mes collègues".

Il y a un climat un peu de bienveillance, de respect, d'être capable d'ajuster.

La journaliste de me répondre "Si on se met à faire ça, ce n'est pas le début de la fin?

On va devenir de moins en moins productif à force de toujours s'écouter dans nos petits
bobos.

Tu n'as pas peur qu'on se mette à être encore moins bon et moins au rendez-vous?" Moi, je
ne pense vraiment pas.

Si la théorie de se mettre la tête dans le sable, si on ne s'écoute pas personne, si on
n'a pas de baromètre de santé mentale...

Si ça fonctionnait si bien que ça,

il n'y aurait pas autant de gens absents en ce moment.

Il y aurait moins de départs, notre réseau serait plus attractif.

Donc, à quelque part, ça fait des années qu'on pense de façon dichotomique.

puis il n'y a pas de baromètre.

Ça va bien, t'es au travail ou si ça va mal, t'es en congé maladie.

Moi, je pense que c'est beaucoup plus nuancé.

Et moi, j'ai un petit exemple personnel.

J'en serai éternellement reconnaissante.

J'étais résidente.

J'avais un jeune bébé.

J'étais malade, je ne m'en sortais pas, j'étais fatiguée, le bébé ne faisait pas ses
nuits, je devais être verte un peu, mais bref...

Je rentrais travailler, je ne voulais pas que mon stage soit annulé.

Puis j'ai une patronne qui me dit, "Écoute Mélissa, ça n'a pas de bon sens, tu n'es pas
ton meilleur, va te reposer, je

t'oblige à rester à la maison.

Prends le temps qu'il faut.

Je te le dis, je n'annule pas ton stage, j'ai confiance que quand tu vas revenir, tu vas
juste être 4 fois meilleure." C'est fou, hein, mais j'étais tellement reconnaissante de ça

qu'elle m'a laissée, sans me sentir mal.

Quand je suis revenue, mon plus grand accomplissement à vie s'est fait dans ce stage-là.

Je suis revenue et j'ai été tellement éclairée, tellement reposée, tellement
reconnaissante que je voulais lui montrer et la remercier.

J'ai fait un projet XY qui a mené à des résultats assez extraordinaires.

Ça avait passé dans le New York Times, une grosse affaire.

J'ai fait une découverte.

Probablement même au niveau de ma carrière, une des choses les plus impressionnantes que
j'ai faites.

On peut avoir des bonnes, des moins bonnes journées, mais dans le fond, c'est important
pour nous.

Puis une fois que les gens savent qu'on a de la reconnaissance ou qu'on se soucie de eux,
on a beaucoup plus de chances qu'après ça, eux se soucient de l'organisation.

Ça va dans les deux sens cette relation-là.

Ce que tu nommes, en fait, c'est que souvent on a tendance à se plaindre qu'on travaille
dans un système dysfonctionnel, mais on oublie de comprendre que nous aussi, on fait

partie du système.

Puis je trouve parfois qu'on est nos propres pires ennemis.

La bienveillance qu'on devrait avoir envers soi pour se permettre de prendre une pause, de
ralentir, alors que quand on voit

des patients qui travaillent en étant malades, on est les premiers à leur dire que ça n'a
pas de bon sens.

Je pense qu'il faut changer le problème un peu de côté.

Puis je suis tout à fait d'accord qu'il

existe des solutions.

Il y a des organismes ou des interventions qui se font.

On peut penser au PAMQ (Programme d'aide aux médecins du Québec) pour les médecins.

J'ai fait appel à eux et je trouve qu'ils font un travail extraordinaire.

Mais si ce qu'ils faisaient était suffisant, si les solutions qu'on avait en place étaient
suffisantes, pourquoi on a encore un taux de suicide chez les soignants deux à trois fois

plus élevé que la population en général?

Je pense qu'on a dépassé les obligations de moyens, on est rendu aux obligations de
résultats.

Puis l'outcome, l'issue qu'on devrait viser, comme tu dit, je pense que c'est le bonheur
tout simplement.

C'est ça, c'est combien que ça vaut, une vie, au final?

Une vie, puis après ça une année de qualité de vie aussi parce qu'au-delà d'être vivant ou
décédé, ce qui a extrêmement une grande valeur, mais aussi de passer une année en bonne

santé puis une année de qualité, ça a une valeur.

Je pense que c'était estimé à quelque chose comme 50-60 000 $ par année, une année de plus
en bonne santé, en bonne qualité de vie, c'est énorme, je veux dire.

Je ne pense pas que ça coûte ça pour être capable de contribuer.

On passe tellement de temps au travail, tout particulièrement comme soignants.

En fait, je ne pense même pas qu'on est tant dans une logique de coûts.

C'est ça le pire.

C'est une façon de travailler.

Quand on parle de résilience ou de façon de rendre nos organisations bénéfiques pour notre
bien-être, des employés, des gens qui en font partie, c'est vraiment l'affaire de tout le

monde.

Donc, ce n'est pas juste de dire on a une équipe de ressources humaines qui ont un petit
budget pour faire des activités de promotion de la santé mentale.

Pour moi, ça, c'est un coup d'épée dans l'eau si ce n'est pas jumelé à des actions
cohérentes à l'échelle de toutes les directions, toutes les décisions.

C'est juste pour dire que peu importe qu'on est qui dans l'organisation, qu'on soit dans
les communications, qu'on soit dans les ressources humaines, qu'on soit dans la direction

clinique, tout le monde a un rôle à jouer.

Tout ça a un impact sur notre bien-être.

Dans mon idéal, il y aurait des formations probablement qui seraient offertes à tout le
monde dans une organisation donnée, puis pas juste dans le réseau de la santé, pour qu'on

soit conscient de l'impact de chacune de nos décisions sur le bien-être, puis finalement
sur la résilience de l'organisation, puis la capacité à garder notre monde, puis être

capable de délivrer notre mission première.

Et pour ça, c'est une mission qui repose, sur un grand, grand pourcentage, qui est basée
sur des humains.

Donc, il faut prendre soin des humains à la base si on veut que notre organisation puisse

délivrer sa mission, c'est quand même assez évident.

Une des statistiques à laquelle ça me fait penser, que j'ai vue dans tes travaux, c'est
qu'en contexte de crise, souvent plus de 80 % des impacts sont psychosociaux et non pas

physiques, alors qu'on se concentre beaucoup sur les impacts physiques puis qu'on délaisse
les impacts psychosociaux.

C'est fascinant.

Je pense que la pandémie est vraiment l'exemple par excellence, mais je l'ai vécu à plein
d'égards.

La tragédie de Lac-Mégantic, les inondations, c'est ça aussi qu'on avait étudié.

Bon, le virus, on était plus dans les risques à la santé physique, mais les inondations,
on va parler beaucoup de pertes, de dommages matériels, de dégâts des infrastructures, les

services qui sont en rupture...

La tragédie de Lac-Mégantic, le feu, les décès, les bâtiments détruits.

C'est après coup qu'on se rend compte que tout ça c'est tragique, c'est à prendre au
sérieux.

Au-delà de ça, si on parle souvent d'un registre de victimes directement touchées, un plus
faible pourcentage de gens qui vont être fortement touchés par la menace en tant que

telle, mais après ça,

il y a toute la communauté autour, ces victimes-là qui ont aussi des impacts
psychologiques.

Mais après ça, les proches de ces gens-là, toute la communauté qui appartient à ce
groupe-là, qui l'a vécu directement ou indirectement, qui a vécu les contre-coups, qui

est...

Tu sais, c'est un effet domino.

Si on prend une décision qui fait qu'une personne ne va pas bien, qui est moins présente à
telle rencontre ou à offrir tel service, bien les autres vont être impactés, donc ça

devient vraiment

un effet de groupe.

Donc, c'est pour ça que je pense que les effets psychosociaux derrière les différentes
crises que peut vivre une organisation, ça touche un plus grand bassin de gens.

Des gens qui vont dire, sur mon échelle de bien-être, j'étais

à un certain niveau avant, puis depuis que tout ça est arrivé, je dois admettre que je me
sens à un niveau beaucoup plus bas.

Je suis moins heureux, je suis moins présent pour ma famille, je suis plus irritable, je
dors moins bien, je bois plus, je ne fais plus d'exercice.

Tout ça a des impacts peut-être pas de façon rapide avec l'émergence de diagnostics puis
de prise de médication, mais ça a quand même des impacts.

C'est sûr et certain que si pour une organisation, le niveau de bonheur puis de bien-être
diminue en moyenne chez

la majorité de votre monde, bien c'est bien évident que l'organisation va se porter moins
bien que si ça n'avait pas été le cas.

C'est tellement évident que je suis gênée de le dire, mais j'ai l'impression qu'on ne l'a
pas toujours en tête quand même lorsqu'il vient le temps de réagir à ces crises-là.

J'ai l'impression qu'on ne prend pas toujours cette composante-là en considération avec
l'ampleur qu'elle devrait avoir comme considération.

Dans un entretien que j'ai eu avec une psychiatre, elle parlait du concept de blessure
post-traumatique plutôt que du syndrome post-traumatique.

Puis, ça me fait penser un peu à la courbe de la réaction émotionnelle en contexte de
crise.

Là, au début, on est comme porté par notre réponse de stress, puis un peu l'héroïsme.

On parlait de nos héros en santé, puis effectivement, les anges gardiens.

Puis là, c'était comme une espèce

de lune de miel et on était portés par ça.

Et éventuellement, on dirait que la réponse de stress s'épuise et les mécanismes de
résilience individuels et collectifs s'épuisent.

On tombe un peu vraiment parfois très bas et il y a des mécanismes un peu destructeurs,
comme tu as nommé, la consommation ou autres, qui peuvent ressurgir.

J'ai l'impression qu'on mesure ou on s'intéresse beaucoup aux conséquences physiques de
ces crises-là.

L'impression que ça me donne, c'est que les conséquences psychologiques sont moins nobles.

Je ne sais pas si c'est juste un sentiment, mais c'est tellement complexe et
multifactoriel.

Donc, c'est difficile parfois à étudier.

Bien oui, c'est sûr et certain qu'on a tendance à plus s'intéresser à ce qui est
facilement objectivable, mesurable.

Mais au bout du compte, je trouve quand même que depuis quelques années, il y a eu une
évolution favorable en ce sens-là parce qu'il y en a des échelles de mesure validées,

standardisées.

Moi, je ne mesure pas évidemment dans une enquête les gens qui ont des diagnostics, sinon
ça serait du auto-rapporté.

Puis si je me fie juste aux diagnostics dans les bases médico-administratives, c'est très
faible.

Si je m'étais juste fiée là-dessus, à Lac-Mégantic, je vous aurais dit que c'est pas si
pire, mais si je prends l'exemple de Lac-Mégantic, on a pris une échelle de mesure du

stress post-traumatique plus des manifestations de stress post-traumatique.

On avait un score total qu'on peut mesurer, puis après ça avec des valeurs de seuil.

Quand tu es au-dessus d'un certain score, ça ne veut vraiment pas dire que tu as un
diagnostic, mais tu as quand même un cumul de manifestations récemment expérimentées.

C'est sûr que si quelqu'un dit "Ben non, je suis capable de fonctionner, je ne pense pas
avoir un trouble de stress post-traumatique, mais je fais des cauchemars de façon

récurrente ou j'évite…

parce que mon cœur bat, je me sens pas bien...

Puis, ça, j'évite de voir telle forme d'images.

J'ai des pensées un peu qui m'obsèdent.

Puis finalement, je suis plus irritable.

Je suis hyperréactif." Mais tu dis que tu es fonctionnel, mais "Je vais prendre ma petite
bière le soir pour me calmer, sinon je ne dormirai pas bien." Quand tu cumules tout ça, tu

dis, bien non, tu n'es pas malade, mais est-ce que tu es réellement à ton top?

Probablement pas non plus.

Donc est-ce que notre société puis nos organisations visent juste à éviter

la bascule dans l'état pathologique qui fait qu'on n'est pas fonctionnels?

Moi, en tout cas, j'aspire à avoir une société qui ne s'intéresse pas juste au moment de
bascule à l'état non fonctionnel.

J'aimerais avoir une société en prévention où on voit que, tranquillement, il y a une
accumulation d'indices, puis le bonheur est en train d'en être affecté, donc on va agir à

ce moment-là.

Il y en va de notre bien-être collectif.

C'est sûr que moi, je suis médecin en prévention, donc c'est un peu ma

déformation professionnelle, je vois toujours le potentiel d'agir en prévention.

Mais il me semble que c'est à peu près là où on pourrait avoir les plus grands gains,
parce qu'on est tous à quelque part...

C'est peut-être le phénomène au niveau de la santé qui est le plus populationnel.

Je ne connais pas grand monde qui sont top top verts dans leur échelle de baromètre de la
santé mentale, puis qui disent "Écoute...

Moi là, ça va exceptionnellement bien, puis tu sais quoi, c'est le cas depuis au moins 4-5
ans...

Écoute, ça va bien, ça va bien, je ne me peux plus."

Moi, je n'en connais pas.

Je n'en connais pas des gens comme ça.

Alors que pour la santé physique, ça m'arrive quand même de croiser plusieurs personnes.

"Écoute, ça va super bien.

J'ai pas de soucis.

J'ai de bonnes habitudes de vie.

Ça va bien." Mais quand tu te mets à plonger dans le bonheur, les inquiétudes, les soucis,
le stress, l'anxiété, c'est assez rare que quelqu'un soit exempt de ça.

Donc, le but, ce n'est pas de l'éliminer.

Évidemment, on va tous avoir des émotions négatives.

Mais comment on peut au moins s'assurer que

notre environnement et les ressources qui sont mises à nos dispositions puissent nous
aider à mieux faire face à l'adversité?

Parce qu'on va tous avoir à y faire face un jour ou l'autre, donc l'idée, ce n'est pas de
l'éviter, mais de voir comment on peut mieux y faire face.

Et au minimum, s'assurer que les conditions qu'on a à notre travail, entre autres, ou dans
nos autres milieux de vie, ne viennent pas augmenter les chances qu'on soit moins capable

de faire face à l'adversité.

Ça ne devrait à tout le moins pas être un facteur aggravant.

Ça devrait être idéalement un facteur de protection.

Ma vie est un peu stressante, je vis différentes formes d'adversité, mais mon travail me
donne un sens et m'aide à garder le cap.

Ça, c'est dans mon monde idéaliste, ça serait comme ça.

Mais mettons qu'on ne vise pas si haut que ça, il faudrait au moins s'assurer que le
travail ne soit pas un facteur qui contribue ou qui aggrave nos émotions ou nos

difficultés qu'on vit dans notre vie de tous les jours sur le plan personnel ou familial,
par exemple.

Ce qui m'amène à toucher un peu au sujet des solutions.

Ce que j'ai vu d'intéressant dans tes travaux, souvent, c'étaient les modèles de soins par
paliers, comme le Stepped Care Model.

Puis, je trouvais ça intéressant parce que justement, on responsabilise les individus qui
ont une part à jouer là-dedans dans l'auto-soin, puis dans la prévention.

Puis ensuite, il y a le soutien entre pairs, les groupes de soutien, puis ensuite l'aide
professionnelle quand on est dépassé, puis là c'est la lumière rouge qui s'allume.

Comment toi penses-tu qu'on pourrait passer à l'action?

Parce que tout ça est très beau, comme je disais, on sait souvent quoi faire pour bien
aller, mais comment aller rejoindre les soignants pour les faire participer?

Encore une fois, je pense que les soignants doivent participer et l'organisation ou le
système dans lesquels ils naviguent doit aussi participer.

Dans l'histoire de la pyramide du Stepped Care Model, c'est en toute cohérence avec ce que
je dis au préalable.

Dans le fond, tout monde a une santé mentale, donc 100 % des gens, par nos actions à la
base de la pyramide, devraient être rejoints.

Donc pour que 100 % des gens soient rejoints, c'est vraiment

dans la nature des décisions, des communications, des façons que notre organisation se
structure, puis organise le milieu de vie, le travail...

Tout ça, ce sont des services de base qui devraient minimalement s'assurer qu'on ne nuie
pas à la santé mentale, et même idéalement qui essaient de la promouvoir, cette santé

mentale et ce bien-être-là, pour 100 % des gens qui naviguent à travers la boîte.

Tout ça, c'est comme un peu la base.

Puis après ça,

c'est plus à l'échelle de communauté de travail, donc peut-être pas pour tout un grand
CISSS ou un grand CIUSSS, mais à l'échelle d'une équipe.

Qu'est-ce qu'on peut se donner comme moyen pour être capable de s'entraider, d'avoir un
climat de bienveillance?

Par exemple, moi, à mon travail, on s'est rendu compte que depuis la pandémie, on avait un
petit club social, puis il a comme pris le bord.

Pendant un bout, on comprend bien que c'était difficile de socialiser,

avec tous les endroits qui étaient fermés et tout ça...

Donc, on s'est dit pourquoi on ne réactive pas ça?

Une petite marche sur l'heure du dîner, tout monde on s'organise un petit 5 à 7, quelque
chose de peut-être un petit peu plus structuré pour qu'on se donne un air d'allée.

Puis dans fond c'est d'agir sur le réseautage, de se prendre du temps à la machine à café
sans se sentir coupable, de prendre des vraies pauses.

Les pauses là, je suis la première à

me sentir mal en le disant parce que je suis une des premières à souvent à les sauter et
puis on ne devrait pas.

Une pause, c'est une pause physique, psychologique, mais c'est aussi une pause sociale.

C'est souvent la meilleure façon de connecter avec la nouvelle personne qui vient
d'arriver au travail dont tu connais à peine le nom.

Et tu dis, "Mais il me semble que ça serait le fun d'apprendre à la connaître".

Ça fortifie un peu ce tissu social-là à l'échelle de notre petite communauté de travail.

Juste ça, ça peut faire une énorme différence.

Puis après ça,

une fois que la base est solide dans ton équipe, dans ton organisation, de dire que pour
toutes sortes de raisons, je peux aller moins bien, quelles sont les ressources qui sont à

ma disposition?

Que ce soit par l'art, que ce soit par l'activité physique, que ce soit par de
l'auto-soin, des modules en ligne de méditation, de pleine conscience, il y a toutes

sortes d'outils qui peuvent être disponibles.

Le PAMQ, moi aussi j'ai utilisé le PAMQ et on essaie de l'utiliser plus tôt que tard,
c'est vraiment

un beau service qu'on a, je trouve, c'est une belle qualité d'intervention.

Mais l'idée, c'est de ne pas le réserver pour les gens à la pointe de la pyramide, qui
vont très mal.

Mais c'est de dire, bien moi, je commence à monter dans la pyramide, puis je vais aller
chercher ces outils-là plus tôt que tard.

Le rôle de notre organisation, puis notre rôle comme soignants, c'est d'être au courant de
ces ressources-là.

Parce que souvent, on se rend compte que ce n'est pas juste d'avoir des ressources qui
sont importantes, c'est de les mobiliser, ces ressources-là.

Il y a plein de choses qui existent.

Allez voir sur votre intranet.

Allez voir.

Je suis certaine qu'il plein de programmes de méditation ou de formation sur le bien-être,
je ne sais trop.

Il y peut-être des cours de yoga, quelque chose qui se donne dans votre établissement.

Vous n'êtes même pas au courant des choses pour prendre soin de vous.

Il y a peut-être des rabais corpo pour vous inscrire à tel ou tel cours qui vous fera
grand bien.

Vous avez des assurances pour aller voir un massothérapeute ou prendre soin de votre santé
physique ou psychologique...

Bref.

Là, on est presque au haut de la pyramide...

Puis la fine pointe où là, malgré toutes ces mesures-là de protection, pour différentes
raisons, ça ne va pas, je me sens moins bien.

Mais là, on va avoir accès à plus des services qu'on va dire cliniques, plus axés sur le
traitement, le soutien, le rétablissement de la maladie.

C'est de moins en moins le cas, mais on voit que les gens ont tendance à concevoir non pas
une pyramide, mais une approche en deux temps.

Il y a ceux qui vont bien, puis il y a ceux qui sont à la pointe de la pyramide, qui ont
besoin du soutien clinique, d'un congé maladie, d'une approche thérapeutique, alors qu'il

y a tellement de choses qu'on peut faire qui touchent tellement plus de gens en amont de
cette pointe-là.

Ça me fait penser, c'est sûr que les soignantes, les soignants qui vont écouter ça vont
probablement se sentir interpellés, les proches aussi, peut-être des décideurs...

Qu'est-ce que tu aimerais leur passer comme message?

Là on dirait que t'as dit mot décideur, donc moi ça vient me chercher.

Je pense que c'est important, moi en tout cas personnellement ça m'a toujours aidé quand
je trouve qu'on perd un peu de sens au travail, d'aiguiser mon esprit critique puis de me

dire qu'est-ce que je voudrais dire si j'avais un décideur, peu importe son niveau,
qu'est-ce que je voudrais lui proposer?

À un moment donné, tu vas te retrouver en face de quelqu'un qui a le pouvoir de changer
les choses.

Moi, je vais toujours avoir ma réplique prête.

Qu'est-ce que je proposerais si on me demandait mon opinion?

Ou même si on ne me la demande pas, si j'ai l'occasion de glisser mon idée, je vais le
faire.

Ça fait énormément du bien de sentir qu'on se donne le droit d'être critique un peu et
constructif, bien sûr.

Ce que j'aimerais dire à un décideur, idéalement un décideur de très haut niveau, comme un
ministre de la santé, par exemple,

c'est de dire, faites confiance à votre monde.

Vous avez des humains extraordinaires.

Vous en avez du monde qui demandent juste ça d'être écoutés puis de pouvoir partager les
idées qu'ils ont.

Faites leur confiance, vous seriez surpris de la qualité des idées qu'on va vous partager,
des pistes de solutions qui sont la majeure partie du temps, je pense, à notre portée.

Oui, des fois, il y a des solutions qui sont

peut-être plus difficiles à appliquer, qui coûtent trop cher ou qui demanderaient trop de
remaniements, mais il y a plein de petites choses pour lever des irritants au quotidien

qui pourraient être implantées.

Et le mot d'ordre, c'est d'accepter qu'il faut être flexible et que ce qui fonctionne dans
une région, puis dans un territoire, puis une bâtisse, ne fonctionne peut-être pas dans

l'autre territoire, puis l'autre bâtisse.

Faire confiance aux gens et les laisser un petit peu plus s'auto-organiser.

J'avais une image...

Imagine un coffre.

Puis la résilience des organisations, c'est un peu comme si on a tendance à penser que
Dans le coffre, il y a plein de petites équipes avec plein d'objets.

Puis là, quand on vit une tempête, tous les petits bonhommes étaient tous bien placés,
tous à leur ordre.

Puis là, la boîte, elle a basculé parce qu'elle a été dans une tempête.

Là, tout le monde est un petit peu tout croche en dedans.

Pour que les gens se remettent droit en-dedans, l'idée, ce n'est pas de changer la boîte,
la grosse structure tout le temps, c'est de laisser les gens s'auto-réorganiser à

l'intérieur de la boîte.

À haut niveau, vous avez le pouvoir de changer peut-être la forme de la boîte ou replacer
la boîte, mais si vous voulez que les petits bonhommes à l'intérieur de la boîte se

replacent droit et se réorganisent, il faut les laisser eux le faire.

C'est entre eux l'interdépendance.

C'est eux qui comprennent comment ça va bien marcher.

Donc, faire confiance aux gens.

Les laisser, les équipes, trouver des solutions.

Puis qui sait, une fois que vous avez une petite solution à une petite échelle, il y en a
peut-être quelques-unes qui vont vous inspirer, qui pourraient remonter plus haut, puis

après ça venir influencer d'autres petits bonhommes dans la boîte ou dans le coffre
métaphorique auquel je fais référence...

C'est de faire confiance aux gens, de leur donner une certaine flexibilité.

Essayez par des projets pilotes, ce n'est pas obligé d'être des engagements
irrévocables...

Concrètement, comment ça peut s'actualiser à mon avis, moi c'est ce que je ferais si
j'avais le pouvoir de le faire, c'est de dire dans chaque équipe - ça fait partie de vos

rencontres d'équipe ou de la structure - que vous avez vos rencontres avec des brassages
d'idées, des idéations, des pistes de solutions qu'on va un peu prototyper, qu'on va

essayer...

Vous avez cette zone-là de créativité

pour tester des affaires avec certaines contraintes ou limites de coûts et de changements.

Mais d'avoir cette zone-là, on vous laisse aller, on vous laisse être créatifs.

Chacun prendra la forme.

Après ça, moi, je veux savoir un peu ce que ça donne, puis je veux m'inspirer de ça pour
voir comment on peut le répliquer possiblement ailleurs.

Je suis certaine qu'on pourrait faire des petits miracles de cette façon-là.

C'est souvent ce que je dis en fait, c'est que la solution va venir d'en bas, puis il faut
arrêter d'espérer qu'elle vienne d'en haut.

Puis c'est un peu de responsabiliser les individus aussi à participer activement à leur
bien-être.

puis à mettre en place des solutions, puis à se l'approprier finalement.

Puis souvent la motivation vient avec l'action.

On commence dans l'action, puis la motivation va venir après.

Ma dernière question pour toi, ça serait si tu pouvais parler à Mélissa d'il y a 25 ans,
30 ans, avant tout le parcours, qu'est-ce que tu aurais aimé comprendre avant, ou tu te

mettrais en garde de quoi?

Je pense que de plus faire confiance à mon potentiel d'avoir des idées et d'être capable
de changer les choses à mon niveau.

Dans ma tête, j'étais juste un petit bonhomme dans le coffre, puis j'attendais qu'on shake
ou pas le coffre.

Dans ma tête, je pensais même pas que

c'était possible que moi, Mélissa, puisse avoir une influence, avoir une bonne idée.

Je ne pense pas que je manquais de confiance en moi, juste que je n'avais pas réalisé.

Puis à un moment donné, par essai erreur, je me suis essayée.

Je me suis dit, c'est se montrer vulnérable un peu aussi...

Si on essayait ça?

Si on essayait ça?

Ce n'est pas toujours des bonnes idées, on va se dire que c'est de la créativité, ça veut
dire que des fois, on va dans un sens.

Mais en étant un peu en mode partage créatif,

on invite les autres aussi à être dans ce mode-là.

C'est sécuritaire, il n'y a pas de bonnes ou mauvaises réponses.

On fait juste proposer des affaires.

C'est étonnant comment on se trompe, mais pas si souvent que ça.

Finalement, tu lâches une idée et les gens disent "Eh bien, moi aussi, j'y avais déjà
pensé.

Bien oui, ça me rejoint, ça me parle." Tranquillement, osez faire confiance à vos idées,
osez les partager.

à bas bruit, avec votre monde.

Tranquillement, il y a un petit mouvement qui peut se créer...

et je suis

absolument convaincue, tout comme toi, que la base, c'est ça qui peut faire vraiment
changer les choses dans un horizon qui fait sens.

C'est sûr qu'après ça, à haut niveau, on peut changer, on peut virer le paquebot et
changer de direction, mais ça prend du temps, c'est énergivore.

Parallèlement, moi, je n'ai pas le goût de toujours attendre que ces grandes
orientations-là arrivent.

Oui, on a des choses qu'on peut changer.

Que ce soit de réactiver notre club social,

de faire plus de liens avec votre monde, de sentir que vous avez une appartenance, que
vous avez plus le goût de rentrer au travail parce que vous vous sentez solidaire avec des

gens chez vous, puis vous partagez un peu votre vécu, puis vous vous sentez plus compris,
puis vous comprenez plus ce que les autres vivent.

Juste ça, ça peut changer pas mal, tranquillement, mine de rien.

Ce message-là peut monter un petit peu, puis trouver écho chez des gens qui peuvent
l'amener à plus haut niveau.

Moi c'est définitivement quelque chose que j'ai appris avec les années.

Merci beaucoup, Mélissa, pour l'heure qu'on a passée ensemble.

Ça a été très, très inspirant, je trouve.

Puis tu es allée toucher à plusieurs sujets, probablement sans le savoir, qui ont été
abordés par d'autres personnes avant toi.

Puis je suis convaincu que ça va donner des idées à beaucoup de personnes puis en inspirer
plusieurs autres.

Donc, merci beaucoup.

Bien écoute, ça fait plaisir, merci pour le bel échange.

Ça fait toujours du bien aussi de prendre ce temps-là un petit peu pour recadrer sa
pensée.

Je vais t'avouer que je ne pense pas toujours à ça, mais finalement, ça fait du bien pour
moi aussi.

Merci.

Merci beaucoup et à bientôt.

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Créateurs et invités

person
Hôte
Steven Palanchuck, MD
Médecin et fondateur de VociNova – La nouvelle voix des soignants. Créateur du balado Soigner jusqu’à se briser et de MedicaBot - Dialogue & Dx, il met en lumière la détresse des soignants et les enjeux du système de santé.

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